au-dessus des lan­des un bruit d’insectes emplit
l’étendue du ciel/ l’espace même est en transe.
la fumée tiède obnu­bile la face hallucinante
égratignée et élé­giaque et floue de l’huile
bouil­lante et du sucre, les souch­es tranchées sur
le tobog­gan filent en leur aspect déca­dent ; plus
loin, une femme berçant dans ses bras une enfant
sourde et aveu­gle ; plus loin encore, sous les
poteaux élec­triques, d’autres silhouettes
stig­ma­tisées par la chair des soleils rouges ; 
sang et or au sein d’une zone fon­due, et quel
spec­ta­cle que ce vis­age apporte un rire de
con­nivence, qu’il me sourie d’un regard 
embué et morne entre l’olive et la rose ; lui, 
nar­co­tique­ment demeure, tran­si, dans sa cellule
noc­turne, enfer­mé. il y a une con­fi­ance se
sachant trahie aux retombées acca­blantes, c’est
l’amitié que l’homme a pour lui-même, sachant
qu’il mour­ra, qu’il pour­ra s’enivrer de mourir ;
dès lors que c’est une blessure qui m’appartient ;
et depuis, et depuis, il n’y avait plus d’amour.
et les grandes cathé­drales, c’est là que
com­mence la nou­velle préhis­toire, dans le noir, 
et avec tous ces fais­ceaux de rails, et dans la
dépres­sion des ter­rains, autour des palissades, 
autour des bal­cons cica­trisés main­tenant, après
tant de pro­jec­tions, des ban­des sinistrement
défi­laient, par du buis et par des baies
dor­mi­tives ; des char­p­entes infestées, brûlées 
et inc­inérées avec de la cen­dre de car­bone ; des
mégots col­lés aux lèvres des gars, assis au salon,
  ils fumaient à petites bouf­fées nerveuses, puis,
tenaient leur cig­a­rette en ten­dant élégamment
qua­tre doigts.

 

Les Yeux Bandés, © édi­tions mémoire vivante    

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