A ces arbres fidèles
les saisons importent peu.
Nous les suivons des yeux
dans leur voyage immobile.
Après quelques années
ils savent bien qu’attendre
n’est que vaine illusion
tandis que nous continuons d’aller
les mains à portée de la nuit,
aveugles, irrésolus.
Eux se contentent de surprendre
le vent, la pluie, les nuages.
En leur tournant le dos
nous descendons vers les abimes
dans une marche sans recours.
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On laisse simplement la source
oublier sa présence
et ses eaux décliner
vers des lieux inconnus.
L’estuaire se trouve toujours
bien au-delà des mots :
c’est ce que l’on espère
quand on consent
à s’accorder à la foudre,
à ce qui méconnaît
jusqu’à l’éternité.
— : -
C’est avec le vent
que tout revient :
des signes gravés
sur une pierre,
des images qui bousculent
un rêve trop fragile
et des paysages
noyés dans la mémoire.
Ce vent venu soudain
auquel nous consentons
pour un voyage immobile
où tout nous est donné,
transparent, éphémère,
visible comme le temps.
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Il se peut que l’on remonte
vers une autre naissance
dans ces parages sans limites
où la cendre se souvient du feu
et lui redonne vigueur.
Ces endroits préservés
où nul autre que soi n’a accès
et que l’on revoit, de passage,
parmi les failles du songe,
puisqu’il y a lieu
de miser sur l’impossible,
de fondre dans la lumière
l’ombre qui nous cerne en vain.
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Paysage, qu’importe
celui d’une île ou d’un continent !
Nous en pressentons le nom,
nous en connaissons l’étendue,
paysage mais non pays
qui nous arrache à nos racines,
écharde vive plantée
au plus secret du cœur.
Paysage infini
au gré des vents,
nous te saluons
pour tes forêts et tes rivages,
pour tes mornes et tes combes.
Tu entres dans la vie,
tu te défausses de la mort.
Paysage singulier ou pluriel,
naissance première et sans cesse
nous t’invitons enfin
pour des noces au goût de miel.
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Savane où les secrets sont préservés :
les arbres qu’on dit morts
côtoient la terre et les tempêtes.
La lande renoue avec des âges
enfouis au plus sombre des mémoires.
Ici, c’est un espace et un temps
qui rougeoient dans l’Histoire
ignorants de l’avenir mais soucieux
de ramener le voyageur
sur des chemins qui n’ont plus cours
et qui pourtant demeurent
comme une terre à découvrir, toujours.
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Qui de l’arbre ou de la pierre
emprisonne l’autre ?
Nulle frontière entre les deux
mais la lutte ou la connivence,
quel mot s’impose ici ?
On comprend simplement
que le temps est immuable
et que l’arbre et la pierre
ignorent ce qui les assemble.
— : -
Le seuil que tu franchis
à quelle terre te donne-t-il accès ?
Peut-être n’est-ce qu’un leurre
tendu par trop d’imaginaire
ou un pays perdu et enfin reconnu.
Parmi les arbres et les herbes
existe-t-il un nom
pour désigner ce qui se dérobe
et dont l’attente seule
comble toute impatience ?