Par scan­sions et glisse­ments, Rodolphe Auté entraîne le dis­cours — devenant par ce biais le plus poé­tique qui soit — vers une con­vul­sion. Elle pousse le lecteur en un (prof­itable) désar­roi. En effet un tel texte oblige à vivre sans vérité puisque tout se penche jusque dans la ten­sion du sexe où le désir glisse et mac­ule en coupant la parole aux mots.

Bien­venu au bord est donc le poème des extrêmes. Les mots quit­tent leur théâtre du faux. À ce point lim­ite ils ne se pensent plus, ils s’effacent. Mais l’auteur emploie leur silence à les recon­stituer dans les éboulis du tout et du totem sans tabou. Les con­vic­tions que le sens com­mun accorde à la pos­si­bil­ité du dis­cours de se pour­suiv­re sem­ble alors des plus indi­gentes. Plus que jamais les mots sont des témoins inasser­menta­bles. Auté n’a qu’une solu­tion : les faire par­ler autrement là « où bran­le le désir en fron­tière des phrases ».

Dès lors, celles-ci n’accumulent plus leurs eaux mortes. Demeure « dans la pénom­bre de l’orgasme » à peine un moin­dre reste de bon sens qui fait la folie de l’être et de l’œuvre. S’y repère un état où aucune ques­tion ne peut être posée. Le texte n’est plus la tra­duc­tion d’un dis­cours de clô­ture. Il gicle afin que l’extase ne soit plus perçue comme matière mutilée mais qu’elle avance nue. Il y a là des chemins de foutre et de foudre. S’y respire l’abîme. Il entre à flots là où les con­cepts ne risquent plus de le gên­er. Sa per­fec­tion est un toast à l’univers pen­sé mais indicible.

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