Il y a des ter­roirs qui inspirent plus que d’autres. Par leur force, par leur ampli­tude, par l’ébranlement qu’ils provo­quent en l’homme, soudain con­fron­té à une nature qui le dépasse et l’envoûte. La baie d’Audierne en fait par­tie. Bernard Berrou et René Le Corre ont dit superbe­ment ce pays dont ils sont issus. Le pre­mier dans Un pas­sager dans la baie (La Part com­mune 2005), le sec­ond dans Pourquoi la mer et Les saisons (La part com­mune, 2009 et 2011).

     Le poète-barde Louis Bertholom s’est aus­si approché de la baie d’Audierne. Il en tire un Brévi­aire de sel dont il a fait, indique Alain-Gabriel Monot dans la pré­face du recueil, un « pré­cis de géo­gra­phie poé­tique ». Pas facile, pour­tant, de par­ler de ce lit­toral austère et rude quand on vient d’un ter­roir aimable et cos­su. Louis Bertholom est né au pays du cidre, des pommes et des ceris­es. Il est Foues­nan­tais. «Me zo ganet et bro Foën », écrit-il dans son Brévi­aire. La baie d’Audierne est l’exact opposé de son pays natal. Ce n’est pas le même ciel, le même vent, les mêmes arbres. « La mer laisse une œuvre /de cail­loux fine­ment percés/travail d’orfèvre qui contraste/avec la bru­tal­ité de sa force ».

     Alors – on le com­prend – le poète s’enflamme. Tout, ici, est si démesuré. « Le gron­de­ment sourd/mémoire des tsunamis avortés/clame une force qui se retient ». Le ton devient lyrique et la voix du poète (ancien chanteur de rock) enfle. « Je marche dans la parole plurielle/d’un pays de haut vol ».

     Puis le verbe s’assagit. Louis Bertholom est alors au mieux de sa forme (poé­tique). Posant le car­net à l’abri de la dune, il  retrou­ve son calme et épure le pro­pos. Le ton de la con­fi­dence, finale­ment, lui va bien. « Revenir tout doucement/par les voies caillouteuses/caresser les gram­inées d’automne/humer les chaumières/respirer les crot­tins ».  C’est le fils de paysans foues­nan­tais, auteur d’un beau Rivage du cidre (Blanc Silex édi­tions, 2002), qui pointe alors le bout du nez. Son Brévi­aire dit les « errances pastorales/entre les talus de sureaux », là où « les herbes savent des songes/venus de loin ».

     Mais, finale­ment, com­ment empêch­er quelqu’un de se laiss­er envoûter par ce ter­roir échevelé qui court de pointe de la Torche à Pors-Poul­han ?  Louis Bertholom dit même de cette « vaste béance » qu’elle est une « ouver­ture mys­tique », au point d’y situer le lieu de sa  deux­ième nais­sance. Ce que la baie d’Audierne avait été aus­si pour Paul Quéré, le « poèti­er » de Plonéour-Lan­vern, dans les pas de qui l’auteur s’est mis délibérément.

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