ce fut, au départ, de la cam­pagne qu’un couple
voy­ageait, épris d’eux et du monde. le panorama
était sub­lime, l’hori­zon repoussé à des distances
prodigieuses. mes par­ents aimaient se promener
longue­ment ensem­ble. ils se mouvaient 
inlass­able­ment, jour et nuit. quand ils venaient 
me voir ils s’ap­prochaient sur un champ d’orge 
et j’at­tendais pour les accueil­lir. un filigrane 
mar­quait leur dou­ble corps par lequel ils 
occul­taient l’é­clat d’une droi­ture provocante. 
leurs jaunes, leurs bleus, leurs bruns avaient 
fon­du en une seule sub­stance aux brillances 
turquoise, jaune noir. leur dou­ble fut cerné par 
des épis alors qu’un feu, brusque­ment étouffant,
gran­dis­sait à leur abord. or, ils bougeaient dans 
un brouil­lard sans décor, ajoutaient la noblesse à
l’in­som­nie de nos événe­ments. sous leur parfaite 
dig­nité rég­nait tout leur respect d’au­tant plus 
qu’il y eut une pub­lic­ité mon­stre autour d’eux. 
puis, les extra­or­di­naires per­son­nages féminin et
mas­culin du “sang” se fai­saient chair en moi. ils 
me met­taient à genoux sous des strates 
orageuses de chaleur.

 

 

 

extrait de “éboule­ment de terrain”

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