Ce rêve en boucle d’obsession géométrique précise
Des mil­lions de pieds qui balisent des frontières
Saut­ent les murs, les murailles, les nass­es à menu fretin frivole,
Les champs de mines, les embus­cades, les traques meurtrières

Embusquée dans ta mémoire insom­ni­aque une vio­lente surprise
D’habiter des con­ti­nents inex­is­tants bâtis de sour­des paroles
Aux rythmes sac­cadés, au débit bègue bêlant, aux silences criards
Tu sur­volais la terre les océans les îles les immenses déserts

Des archipels de corail rouge sang, des forêts émer­aude et cornaline
Les canyons de Saragosse aux brusques avalanch­es de surprises
Les collines cal­cinées truf­fées troglodytes berbères de Foum Tataouine
La tor­peur Tozeurine des oasis, les tor­rents forestiers aux lits désarçonnés

Réfugiés dans l’insomnie fœtale sèche arbores­cence de rêves surannés
Ta bous­sole tourne à la folie, ton sang fer­rique démag­né­tise le Nord
Bateau sans voiles ni gou­ver­nail tu rouilles ta quille au fond sec d’un port
A fleur de dune finit la course au vent du nord et sa rumeur indécise

D’une foule vagabonde de flâneurs, clochards, truands fêtards
Sor­dides deal­ers de sor­nettes, de filles mutantes sirènes de marée basse
Sourire acide de séduc­tion vorace et regard de nuit ser­tie d’olives de jade
Nuages d’insectes tueurs, des soupirs d’enfers qui font fon­dre la banquise

Des couleurs d’arc-en-ciel ten­du de rêves tour­nant en cauchemar
Des amas de corps sans vie sous les décom­bres de Bey­routh et de Bagdad
Comme ces cités archaïques fan­tômes aux arômes de Carthage aux sen­teurs de Damas
Paque­bots échoués faute de fond ou piégés dans la poigne cos­mique de la glace

La paresse des saisons secrètes car­bonifères à racines de plomb aux feuilles d’or
Précipices pré­cis d’amnésies quiètes, de résis­tante lâcheté des sup­plices indolores

Il n’est point d’horloge pour le réveil, point d’ombre au soleil, il n’est ni tôt ni tard
Ni trop près ni trop loin  ni trop long ni trop court ni trop faible ni trop fort

Voyez cette planète depuis Pla­ton trem­ble d’effroi démoc­ra­tique et pol­lue ses orbites
Blessée mori­bonde gisant à l’ombre pieuse des tem­ples, des mosquées ou des églises
Cou­vez la colère des vol­cans, ces mon­stres pirates dor­mant d’un œil sous la banquise
Que vous importe-t-il désor­mais, de quelque langue soyez-vous, si cette vérité est dite

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