Ceci n’est pas un droit de réponse mais un enjeu de lib­erté 

 

 L’article incen­di­aire de Christophe Dauphin cher­chant rageuse­ment à détru­ire mon récent essai «Au tour­nant du siè­cle (Seghers, 2014) parce que je l’avais blessé en qual­i­fi­ant son œuvre ( ?)  de « pro­lixe » (il faudrait en effet imprimer des mil­liers de pages de poèmes inter­minables et de com­pli­ments automa­tiques sur des bot­tins dérisoires pour être exhaus­tif en ce qui le con­cerne !) ne m’a guère sur­pris. Depuis quar­ante ans, je suis vac­ciné con­tre la petitesse de vue. Quoi qu’il en soit, il s’agit d’un petit brasi­er « dans l’aveuglement des débats lit­téraires d’à présent sur notre scène trop calfeu­trée » comme dirait Yves Bonnefoy !

     Heureuse­ment, un con­stat me ras­sure : en  ce début de mil­lé­naire, une réelle lib­erté d’expression, née de l’oxymore des regards, nous garan­tit encore con­tre les régimes total­i­taires et les fas­cismes de tous poils, même stal­in­iens. Que « Recours au poème » en soit ici remer­cié pour accepter de laiss­er place à la con­jonc­tion des con­traires et non à l’étroitesse sco­laire d’une énumération.

  Volon­taire­ment, je me refuse de répon­dre à Christophe Dauphin le besogneux (que j’ai édité avec sym­pa­thie et bien­veil­lance, et même pour le plaisir) mais que je ne  savais pas si con­formiste et mani­a­co-dépres­sif en tant que cri­tique lit­téraire. Je souligne cepen­dant le dérisoire d’une suc­ces­sion d’expressions haineuses et out­ran­cières, l’inutilité de sa quête mor­tifère de pré­ten­dues erreurs de ma part. Quand on devient jaloux de son frère, on dit qu’il a la rage ou qu’il est aveu­gle !  Et Christophe, « petit prof » dans l’âme, rêve de notoriété et de recon­nais­sance en ten­tant de  « con­sol­er » quelques col­lègues poètes absents de mon essai  non point par oubli mais par omis­sion volon­taire, afin de ne jamais jouer au pro­fesseur. Tout en sachant, bien enten­du, que tout can­cre a plus de don pour devenir poète que tout uni­ver­si­taire jouant les Paul­han de pacotille !

   Le trag­ique est que je per­siste et signe y com­pris dans mes rap­proche­ments auda­cieux entre courants et inspi­ra­tions. Je n’ai jamais été un bon élève ras­sur­ant pour per­son­ne, surtout pas pour les ban­quiers. Et j’aime par­ti­c­ulière­ment quand Pierre Dac nous rap­pelle que l’ennui avec les arriv­istes est qu’ils arrivent ! Jusqu’au bout je revendi­querai la lib­erté de ton du rebelle et proclam­erai alen­tours : à cha­cun ses goûts, ses couleurs, son droit de met­tre en valeur un tel ou une telle et de nég­liger (ou de trou­ver sur­fait ou  trop bavard !) untel. J’avoue :  j’ai hor­reur des échanges  de cirages de chaus­sures pour revendi­quer une place royale dans je ne sais quelle académie décer­nant des prix ennuyeux comme un pal­marès de rires refoulés. 

   Plus on me demande d’être sage  et organ­isé et con­formiste et ras­sur­ant plus je suis espiè­gle, imper­ti­nent,  inat­ten­du, bous­culeur d’idoles de papi­er et de modes. Plus on me taxe de faiseur d’évangile en croy­ant me bless­er, plus j’accepte la stig­ma­ti­sa­tion avec une joie intense et reconnaissante. 

    Dire de moi que je suis inca­pable « d’avoir un avis per­son­nel » (sic) fait rire aux larmes (jaunes ?) ceux qui me con­nais­sent même un peu.  Et une telle réac­tion « à la Dauphin » prou­ve que  j’ai bien eu rai­son de ne pas fab­ri­cot­er un bot­tin mondain sur cette entame de siè­cle en poésie mais de pro­pos­er en revanche, aux écol­iers tristes et ros­es, un brûlot de feu, de sang et de lumière. Afin que la Muse Éspérance, jamais, ne meurt de bâille­ment et de trop de sérieux !

  Au fond, la réponse « appliquée » du néan­moins cama­rade ( ?) Christophe n’est qu’une his­toire de chapelles, jan­sénistes sans le savoir, et m’incite à laiss­er une parole finale au poète pop­u­laire Fran­cis Combes, avec qui j’ai usé mon fond de culotte sur les bancs de la com­mis­sion du Cen­tre Nation­al du Livre durant trois ans. Lui con­naît et respecte nos diver­gences, et m’a néan­moins  dédi­cacé, en toute mal­ice  un bref poème effi­cace que Dan­ny-Marc et moi avons édité dans le prochain CAHIERS DU SENS (le n°24).  Voici donc  Au peu­ple des piétons : 

 

                                               « Regardez à droite
                                              Puis à gauche
                                              Si vous ne voyez rien venir
                                              C’est à vous d’avancer ».

     Puis­sent tous les dieux, même celui des « mani­a­co-émo­tivistes » enten­dre Francis ! 

 

Pour les lecteurs ayant malen­con­treuse­ment raté un épisode, la rédac­tion de Recours au Poème a pub­lié un texte au moment de la paru­tion de cet essai.

Christophe Dauphin a ensuite souhaité exprimer son désac­cord avec Au tour­nant du siè­cle.

 

 

 

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