Le poète coréen, par la langue, Mah Chong-gi est né à Tokyo en 1939, péri­ode trou­blée, s’il en est, et encore douloureuse­ment présente actuelle­ment, pour l’histoire des hommes de cette région du monde. Il a gran­di en Corée, dans une famille où les ques­tions liées à l’art n’étaient pas un vain mot (son père, écrivain, édi­tait des revues lit­téraires ; sa mère a con­tribué à l’introduction de la danse mod­erne en Corée). Mah Chong-gi est con­sid­éré comme l’une des grandes voix de la poésie coréenne con­tem­po­raine, ce dont per­son­ne ne doutera à la lec­ture de ce très bel ensem­ble de textes ; une poésie au sujet de laque­lle il sera utile de se reporter ici.

Engagé poli­tique­ment durant son ser­vice mil­i­taire, en Corée, le poète a été arrêté en 1965 et a décidé de quit­ter son pays – pour les Etats-Unis. Selon son édi­teur, le fait d’être un « exilé resté fidèle à sa langue » est une car­ac­téris­tique majeure de son œuvre. Il y a beau­coup de force dans cet humain/poète, en effet ; un humain/poète obligé de rompre avec sa terre, sa famille, ses proches, sa géo­gra­phie et, d’une cer­taine manière – car com­ment y échap­per entière­ment en exil ? – avec sa cul­ture et son his­toire. Et pour­tant, il s’agit de vivre, et de vivre libre. La vie, la lib­erté, c’est ce qui ressort avec le plus de vigueur, et sans doute de beauté, à la lec­ture de ce choix de poèmes, choix établi sur une péri­ode allant de 1980 à 2010. Plus le lecteur avance dans les pages du poète, plus il est évi­dent qu’une forme de sagesse spir­ituelle naît de la force asso­ciée à la beauté des poèmes de Mah Chong-gi. Et c’est aus­si ce qui appa­raît d’évidence si on lit suc­ces­sive­ment un poème tel que « À quoi sert un poète ? », poème tout en engage­ment poli­tique et ce texte que l’auteur a don­né à son tra­duc­teur il y a peu, texte repro­duit en fin de vol­ume, « Je par­le de ma poésie », texte ver­ti­cal et vivant. La vie du poète est un voy­age, tant sur le plan matériel que plus directe­ment humain – c’est-à-dire poé­tique. Le genre de voy­age où la trame intérieure, même influ­encée par les événe­ments immé­di­ate­ment vis­i­bles, importe et imprime bien plus que toute apparence : c’est de sa pro­pre édi­fi­ca­tion en tant qu’homme/poète dont par­le Mah Chong-gi dans sa belle et forte poésie. Point de ressen­ti­ment ou de mar­ty­rolo­gie dans Celui qui garde ses rêves, tout au con­traire ; et le titre, superbe, de ce livre suf­fi­rait à le dire. C’est bien cet « élan de spir­i­tu­al­ité » dont par­le joli­ment son tra­duc­teur qui frappe son lecteur.

Mah Chong-gi est l’auteur d’une dizaine de recueils et d’essais, écrits en coréen, et pub­liés en Corée, ce qui lui a valu plusieurs prix lit­téraires. On le com­prend sans peine à la lec­ture, par exem­ple, de ce cré­pus­cule de diaspora. 

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