Quel doigt
Osera indiquer
La pomme à sept pépins
Qui vient germer
Dans la mor­sure du vent
Et
Mon­tera plus haute
Que le phare
Sur l’horizon plat ?

*

Quand le fleuve suit son cours librement
Et qu’en pro­fondeur déplace
Les cailloux
Que le mou­ve­ment du sable
Nivèle… dénivèle
L’eau coule tou­jours vers la mer promise

Des yeux mul­ti­ples remon­tent à la surface
Des regards bril­lants clignotent
Sous ces paupières humides

Et le silence
Précède
L’éclatement des chants nouveaux
Aux réso­nances de la création

Celui qui veut cueillir
Les sim­ples mots
De ces racines
Dans l’univers illimité
Décou­vre l’heure à sa portée.

*

Dans un silence presque palpable
Le vent sem­ble immobile
Les éclairs déchar­gent leurs flammes
aériennes

Un seul roule­ment de son qui tonne
Un chœur de basse qui gronde
Der­rière un ciel nébuleux

Cette atmo­sphère chaque fois
Me ren­voie dans l’espace
Du ven­tre maternel

*

C’est la pluie
Signe précé­dant la vie
N’est-ce pas elle qui rend toute chose humide
Avant que le soleil fasse éclater les bourgeons

Son mur­mure con­fi­den­tiel sur les feuilles
Ses larmes qui ruis­sel­lent sur les vitres
Son doigté mag­ique sur les toits
Son bruisse­ment avec le vent

Réveil­lent et rap­pel­lent en moi
L’univers jusqu’ici oublié

Qui a sen­ti l’odeur de la terre mouillée
Com­prend com­bi­en sa chair fraîche
en est un extrait

Dis-moi amie du coin du feu
À l’écoute de ta sim­ple symphonie
Plus pro­fond devient l’écho de mon âme…

*

Lais­sez-moi naître à nouveau
Dans ce pays que j’ai con­nu hors du
temps
Antérieur au commencement
Ce pays où tout fut clair sim­ple innocent

Lais­sez-moi me réchauf­fer du soleil
Inon­dant la vaste clairière
Demeure des êtres qui
Par le pou­voir d’un geste
D’un cri
Créent re-créent la vie

*

Dans ces lieux les étoiles chuchotent
Des cantiques
Les herbes
Les pétales deviennent
Reflets de notre Nous
Le trem­ble­ment des feuilles
Le mou­ve­ment des eaux
L’imperfection des pierres
Explorent notre for intérieur

Je ne rêve ni de fuite ni d’évasion
Sim­ple­ment à la résurrection
Avec tous ses chevaux

Lais­sez-moi naître à nouveau.

 

ESTHER NIRINA RIEN QUE LUNE. 

Sim­ple voyelle, Le livre sans écri­t­ure, p. 35–40.

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