Par­tie III :

 

 

La nuit cache mes mots
dans son sac à main
et glisse le silence
à l’intérieur
d’une enveloppe –
Seule avec mon corps
mes cram­pes d’orage
je serre les dents
la piqure bleuit
mon soleil noir
et de ma peau
s’extrait la nuit
comme un éclair

 

 

*

 

 

C’est dans l’intimité
du brin d’herbe
que j’ose ouvrir
les lèvres du silence –
il ne dit rien
il se laisse faire
la nuit ne l’effraye pas
peut-être voit-il
der­rière l’étoffe noire
la lueur d’une lampe
ou celle du jour à venir
ses lèvres s’entrouvrent
comme une cicatrice
au bord de l’océan

 

 

 

 

Par­tie IV « Nuit de sang »

 

 

« On croit que les étoiles sont dans le ciel mais elles sont sous nos pas.
On les écrase. Ce qu’on voit briller dans la nuit, ce sont leurs cris. »

Jean-Marie Ker­wich

 

 

Il y a dans l’air
l’odeur de l’ombre
qui se mêle
au feuil­lage pourpre
de novembre
humus et écorce glacés
la sève ne s’écoule plus
l’arbre cap­tif aux racines
fris­sonne devant la nuit
qui d’un coup vif
s’abat sur la ville

 

 

*

 

 

C’est la nuit de la nou­velle lune
c’est la nuit de tous les feux
elle se pare
de son plus beau noir
pour aller danser
sur la musique
du diable –
air électrique
tin­te­ment de verres
rires en cascade
novem­bre est doux
et les néons rougeoyants
oiseaux en sommeil
le silence s’invite
entre deux cris

 

 

*

 

 

Un vent mauvais
assassin
court
implacable
dans les rues
rafales de mitraille
mon amour où es-tu
la nuit a pris
son visage
de méduse

 

 

*

 

 

Cap­i­tale de la douleur
Paris saigne
l’ombre se glisse
comme un courant d’air
glacial
ferme les yeux
éteint les cris
où es-tu mon amour
la musique s’est tue
étouf­fée par les griffes
de la bête immonde

 

 

*

 

 

Rideaux d’acier
bais­sés – la respiration
suspendue
aux cris funestes
des sirènes
où es-tu mon amour
la nuit tisse sa toile
longe les murs
s’attarde aux reflets
troués des vitrines –
un vis­age d’ange
regarde le ciel
pétrifié

 

 

*

 

 

Dans la lueur
blafarde
des lampadaires
un scarabée traverse
le temps
la nuit s’assoit
sur le bitume
voilé de feuilles
écarlates
entrou­vre ses bras
pour recueillir
les larmes
mon amour où es-tu

 

 

*

 

 

Debout
dans la clarté
du jour qui vient
je suis là mon amour
debout
face à la nuit
qui s’effiloche
entre les immeubles
et les arbres ambrés
je suis là
et les rues sont mes veines
où coule une musique
douce et gaie
où ton rire mon amour
résonne
comme une multitude
d’étoiles
je suis là
debout
et j’étreins la lumière
pour  t’aimer
toujours
mon amour

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