Le temps des roseaux est un ensem­ble de textes choi­sis entre 1995 et 2015. Cinquante de ceux-ci se côtoient qui ne se sont peut-être jamais ren­con­trés nous dit l’auteur. Der­rière cette affir­ma­tion, il y a néan­moins une unité de ton, de rigueur, d’images et de pen­sées qui for­ment un tout cohérent et aéré. C’est essen­tielle­ment une prose qui va roulant comme la vie par­lant de tout, d’une image à l’autre, d’une idée à l’autre, comme une ligne droite où nous allons à la décou­verte du monde, de tous ses aspects. Claude Faber ne s’attache pas, il passe. Il utilise un vocab­u­laire com­mun qui décrit au plus près le réel et le vécu à son­der le monde pour se l’approprier.

A l’écoute de soi par une mise à jour d’une quête dés­espérée de retenir ce que ces mains et ces lèvres n’ont pu retenir, il y a une volon­té de s’intégrer à tous les moments du monde oscil­lant entre par­fois une image sur­réal­iste et un réel bien frap­pé. Volon­té de dépass­er la pau­vreté du quo­ti­di­en, sa matéri­al­ité creuse. Par delà, c’est tout le sens de la vie qui est inter­rogé avec ses brisures, ses replis, ses avancées. Le monde va sans nous et nous allons sans lui. Où est notre rap­port à la vie qui défini­rait notre néces­sité d’exister et apporterait une réponse défini­tive ? Il n’y a jamais eu de réponse, juste un espoir. L’auteur trace une fron­tière flou et mobile, comme une finis ter­rae, entre ce que nous sai­sis­sons de l’existence et ce qui nous échappe, entre ce qui rap­proche et sépare, entre vide et présent. Il y a un point de con­ver­gence entre la vie intérieure et la vie extérieure qui débouche sur un aveu : Serait-il temps de l’avouer ? Avouer d’être de ce monde, de le déchiffr­er comme vérité dans les actes quotidiens.

Chez Claude Faber, on approche, on croit presque entr­er dans une réponse et puis tout retombe, rede­vient silence. Arrivons-nous au roseau de Pas­cal ? Et si l’auteur ne nous racon­tait que des his­toires, si ce n’était qu’invention : Il était une fois, moi, lui, l’autre, l’inconnu sur lesquels on racon­te des choses pour oubli­er, oubli­er que l’on vit pour être une fois dehors, à déam­buler, à rêver n’est-ce pas Louise, à dériv­er à la recherche d’un pas­sage. Ce monde est décrit dans des moments d’exactitude et de lucid­ité ter­restres. Une recherche d’un infi­ni qui ne peut se con­clure que dans un lieu : qui ne dit jamais tout.

Les poèmes n’enferment pas le monde, tout reste ouvert dans un pré­cip­ité de sen­sa­tions, réflex­ions, images où l’auteur voudrait tout saisir, tout fixé, depuis le détail jusqu’à l’ensemble. Mais rien ne s’arrête et nous emporte dans un bouil­lon­nement sans fin, dans des mots qui par­fois nous restent à choisir. 

Le temps des roseaux est une invi­ta­tion à vivre par une sim­ple accep­ta­tion, un acquiescement.

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