Oui, il a rai­son, Gérard Le Gouic, de nous pos­er la ques­tion. « Com­ment allez-vous ? ». Il nous la pose mais il se la pose aus­si à lui-même. Car les années passent et l’âge vient : ses pre­mières pub­li­ca­tions ne datent-elles pas de 1958 ?

         Com­ment allez-vous ? C’est donc le titre d’un mod­este recueil de 15 poèmes, cousu main, du poète bre­ton. On y retrou­ve cette pointe d’amertume qui car­ac­térise bon nom­bre de ses recueils ou encore ce regard sans illu­sion sur ses con­génères. Ou, pour le moins, cette prise de dis­tance avec le monde qui l’entoure ;

     Mais sans doute est-ce l’expérience du deuil et de l’absence qui frappe le plus dans ces nou­veaux poèmes. « Mes amis sont tus, éteints/l’aimée aussi/d’une longue tra­ver­sée ». Et le poète s’interroge : « Qu’accomplir aujourd’hui/sous leurs blanch­es images/dans le vit­rail de leur sou­venir ? ». Lui manque la com­pag­nie de ses amis poètes dis­parus : « Ne m’en exigez testaments/ni longs éloges/leurs tes­ta­ments logent/dans leur voix/leurs éloges dans leurs strophes ».

       Alors, Gérard Le Gouic, au bout du compte (lesté de tous ces fardeaux), on vous pose la ques­tion : « Com­ment allez-vous, mal­gré tout ? ». Il  nous répond : « Je vais du pas des heures qui s’effacent ». Voy­agez-vous ? Sortez-vous ? « Mais non : j’ai peu quit­té mon toit/et n’apprécie rien tant/que les habi­tudes et les répétitions/le respect d’immuables horaires/l’emprunt des chemins qui me recon­nais­sent ». Et par une pirou­ette dont il a le secret, le poète ren­voie son inter­locu­teur dans les cordes : « On m’affuble d’une réputation/d’aisance et de bonne santé/et d’un pen­chant pour la poésie/Tout est faux, mes bons amis/dans votre impec­ca­ble tableau ».

        Il n’y a pas, effec­tive­ment, chez Le Gouic de « pen­chant » pour la poésie. Ce serait bien réduc­teur pour quelqu’un qui a voué, en réal­ité, toute sa vie à la poésie et posé, d’emblée, la ques­tion de son iden­tité d’auteur. N’écrivait-il pas déjà en 1977 dans ses Auto­por­traits en noir et bleu (édi­tions Rougerie) : « Vous me peignez/tel que je suis/qui est une fausse identité./Je me vois/tel que je me connais/mais cette connaissance/va jusqu’à l’ignorance ».

 

                                                                                                           

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