Un mur, der­rière lui, quand tu colles ton oreille,
tu entends écumer la mer.

Derniers instants avant le départ d’une avalanche,
un silence, seule­ment à cause de ce qui va suivre.

Silence dans une bombe, cer­clée de dureté —
quelque chose manque après l’explosion.

Petit vil­lage dans la montagne:
vivant plus haut que les nuages, ses habi­tants croient
que leurs seuils furent épargnés
lors de la fin du monde.

Une ville née des rêves: un espace vide est devenu compact,
et les con­struc­tions, un espace vide — en sou­venir de vides.

Une place, où se sont accli­matées des métaphores:
j’y vais muni d’un Dic­tio­n­naire des Fig­ures de Style
afin de rechercher des objets et des gens
por­tant les noms d’autres objets et d’autres gens.

Le gros aspi­ra­teur qui, avec les feuilles,
aspire toutes nos pen­sées et tous nos souffles.

Le mon­u­ment à un libéra­teur, aux portes de la ville —
là où jadis, dans les orties, traî­nait une mar­mite rouge.

Un Russe con­gelé au Kamchatka,
à tel point qu’il n’est plus un Russe.

Un fou dis­cret, à tel point discret,
que per­son­ne ne remar­que sa folie.

Moments où la ter­reur que ressent le tyran est à son zénith:
des hurlements et une écume tra­versent la pel­licule d’une normalité,
ce n’est là que l’indice d’un début de légal­i­sa­tion de la folie.

Per­son­ne ne prête atten­tion à l’espace de silence
entre deux de ses hurlements.

Le tyran branché sur un compresseur
et gon­flé jusqu’à la taille qu’il a souhaitée.
Quand il a explosé,
notre val­lée était rem­plie de papillons.

Gagaouzes: experts dans la recon­nais­sance de ceux-qui-ne-disent-rien
au moment où bavar­dent ceux-qui-ne-disent-rien.

Com­ment recon­naître un Gagaouze?
Quand on prononce le mot gagaouze, un Gagaouze se comporte
comme si on avait pronon­cé un terme absol­u­ment banal.

 

 

Le nom de ce peu­ple, répar­ti entre Bul­gar­ie, Ukraine et Russie, n’a été choisi que pour sa sonorité bizarre et cocasse.

 

Tra­duc­tion de Lil­jana Huib­n­er-Fuzel­li­er & Ray­mond Fuzellier

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