Que ce soit les pre­miers signes que l’homme traça sur les parois som­bres de nos grottes, les paysages lumineux et vibrants des Impres­sion­nistes, le brasi­er rouge et bleu de Cha­gall, la sérénité du vol blanc d’un oiseau sur l’émail des heures, les cieux déchirés par la cru­ci­fix­ion du Christ, les mille reflets épanouis entre les mains d’un feuil­lage ouvert sur les caprices de l’eau, la grâce émer­veil­lée de Corot, la grav­ité de Théodore Rousseau exp­ri­mant le jeu des nuages dans leurs voy­ages roman­tiques… puis, telle une lampe allumée dans la tran­quil­lité d’une vieille demeure ou la présence du vent réfugié dans les roseaux, l’évocation de cer­tains com­pos­i­teurs mys­tiques de Bux­te­hude à Hen­ri Dutilleux, Bernard Gras­set nous fait partager ses émo­tions, écrivant un chemin de beauté en con­tre­point d’une sélec­tion d’œuvres pic­turales ou musi­cales qu’il priv­ilégie, peut-être parce qu’elles per­me­t­tent de soulever l’invisible voile qui nous dérobe les mer­veilles de ce monde.

Nous retrou­vons, avec bon­heur, la poésie à la fois pré­cise et flu­ide de l’auteur de Liturgie. Une écri­t­ure épurée où brûle tou­jours un feu d’oraison – peu de mots, mais une fenêtre qui s’ouvre et per­met l’envol bleu d’une prière. Des mots à tra­vers lesquels, comme d’un vit­rail, passe la lumière de la foi pour dépos­er, sur le blanc de la page, les éter­nelles couleurs que nous apporte l’aurore.

Dans ce dernier recueil, Bernard Gras­set nous offre une poésie de douceur et de paix comme celle que l’eau d’une fontaine, frayant son chemin dans l’épaisseur de l’ombre, mur­mure aux fleurs des champs – des textes courts, sans con­ces­sion, et une mélodie grave qui approche du Secret.

Le poète écrit une poésie d’attente et ses mots nous font devin­er le Vis­age à venir. Un Vis­age que les couleurs et les sons, ici présents, dans le beau recueil Con­tre­points, imag­i­nent déjà et qu’ils épè­lent pour nous sur un alpha­bet de lumière. Un Vis­age en con­tre­point de l’offrande ter­restre. Une poésie qui, le livre refer­mé, est comme une flamme qui ne s’éteint pas.

L’œuvre que Bernard Gras­set a entre­pris d’écrire est de celles qui s’inscrivent au plus près du silence et, réson­nant longtemps dans les lan­des du cœur, nous per­me­t­tent d’espérer. Une œuvre qui est comme un signe de Paix dans notre monde où règne tant le tumulte – une Paix qui nous laisse pressen­tir, telle une promesse d’enfanceder­rière les lan­gages / La voix de l’Ami.

 

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