Il entra, lais­sa la porte ouverte der­rière lui,
se dirigea directe­ment vers l’autre bout du café
tout en jetant des coups d’œil à gauche et à droite.
Sour­cils fron­cés, lèvres ser­rées et nar­ines grandes
ouvertes étaient agités régulière­ment par un petit spasme nerveux.
Ensuite il s’assit,
croisa les jambes, la gauche par-dessus la droite,
et de suite après la droite par-dessus la gauche.
Ses mains manip­u­laient le cendrier,
le repoussèrent,
et il prit la carte des boissons.
Il se tourna,
mais juste les épaules et la tête,
inspi­ra profondément,
gar­da les paupières fer­mées un peu plus longtemps
et soudain rap­procha ses deux jambes sous lui.
Il mit ses mains jointes
entre ses cuiss­es fer­me­ment serrées,
approcha toute la par­tie supérieure de son corps
de la table ronde et avec son front toucha presque le bord du marbre.
Un peu plus loin deux jeunes femmes
dis­cu­taient tout bas
et s’allumaient l’une l’autre leurs cigarettes.
Le serveur appor­ta le thé et deux morceaux de gâteaux
aux clients près de la vitre.
Une chaise était trop éloignée de la table
et une feuille de grand ficus dans un coin à moitié cassée.
Il ne bougea même pas quand le serveur
s’approcha de lui en prononçant un seul mot et
sans l’intention de repartir.
Dehors une femme est passée tout près de la vit­re et,
en s’y regardant,
a arrangé avec son cha­peau avec la main droite,
et avec la gauche a tiré une fine cein­ture en cuir
à laque­lle était attaché un teck­el costumé.
Puis le serveur tou­s­sa et approcha son poing serré
de sa bouche,
puis dit un peu plus fort : “Mon­sieur désire ?”
et fail­lit se pencher pour lui regarder le visage.
Mon­sieur – qui – doit – désir­er – quelque chose leva la tête,
la reje­ta en arrière et n’ouvrit pas les yeux.
Son vis­age était rouge et ses lèvres se serraient
en accen­tu­ant aux com­mis­sures deux rides toutes jeunes.
Sur son long cou bien rasé, les veines saillantes,
étaient comme unies avec la chemise bleuâtre “Armani”.
Sous les cils fer­me­ment ser­rés apparurent deux traîtresses
petites fentes humides
cher­chant per­plex­es une direction.
Alors il tressaillit,
bais­sa la tête et mur­mu­ra quelque chose au serveur qui
s’éloigna immédiatement.
Il sor­tit un mouchoir,
l’ouvrit grand et le posa briève­ment sur son visage.
Il le tira vers le nez,
se moucha, puis se leva et par­tit vers l’endroit où
le grand ficus cachait un escalier en colimaçon
qui menait au sous-sol.
Le cou­ple qui buvait le thé et venait d’entamer
les morceaux de gâteaux,
se tour­na der­rière lui,
soule­va les sour­cils et au même moment s’empara
des petites fourchettes dans les assi­ettes en verre.
Le serveur sur un plateau rond apportait
une grande tasse de mélange  et un verre d’eau
en cher­chant du regard
le mon­sieur – qui – a – désiré – ça et,
ne le voy­ant pas,
mar­cha vers la table abandonnée.
Lorsque mon­sieur revint rapidement,
il but le mélange,
prit une gorgée d’eau
et appuya son men­ton au creux de ses deux paumes
en s’accoudant.
Il regar­dait devant lui et clig­nait des yeux,
il con­trac­tait et éti­rait ses jambes régulièrement
repous­sant une fois la chaise en face de lui.
Une femme a dit à l’autre :
“Mais je n’y ai pas pensé”
et a éteint sa cig­a­rette dans le cen­dri­er en l’écrasant
du bras entier jusqu’à l’épaule de manière qu’une
manche large de sa veste “Mis­soni” s’agitait.
L’autre lui répon­dit : “Mais tu devais, tu sais”
et sourit pleine d’une com­préhen­sion sincère.
Puis le cou­ple, qui buvait le thé,
con­coc­ta quelque chose secrète­ment. Une par­tie de leur phrase
était : “même pas douze ans”.
Mon­sieur – qui — a – désiré – un mélange – et – un verre d’eau
n’a rien dit à personne,
même pas au serveur qui s’est approché
en atten­dant qu’il s’adresse à lui.
Il sor­tit de sa poche intérieure un carnet
en cuir noir, et du car­net un fin sty­lo à bille
d’argent, puis sur la page marquée
par un ban­deau il écrit juste une date et un
seul mot,
et ensuite il rangea tout cela, et avec une expression
de plaisir regar­da à tra­vers la vitre.

 

 

Traduit du croate  par Bran­ki­ca Radić 

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