Les portes se met­tent en torse, une jambe se prend
dans un sourire et l’appartement entier s’abandonne au retard.
Les démé­nageurs vien­nent de partout, glissant
leurs mètres même dans les fis­sures du mur,
les rouleaux de scotch claque­nt jusqu’à la rue.
J’attends qu’ils embal­lent toutes les images de la télé,
les odeurs des restau­rants, les gestes, le flux des gens.
Ces mesureurs des jours heureux & des heures de cris familiaux
pénètrent dans les pris­es et les tuyaux. Tout ce que nous
avons un jour caché der­rière les plac­ards & sous les planchers
socialise désor­mais ouverte­ment avec ces ratons laveurs à longue queue.
Les yeux nus, nous nous tenons au cen­tre de toutes les pièces.
Sous le choc des ombres brisées et de tous les thés bus jusqu’à la lie,
quelques miettes encore se sous­traient à
nos nom­breux et invis­i­bles départs.

C’est drôle : comme si les miettes s’étaient posées toutes seules
entre les appels & que je sois piégée avec elles dans l’intervalle sonore
& comme si les pièces en se fon­dant allaient me soulever dans l’air
plutôt que m’écarteler

 

 

Tra­duc­tion Stéphane Bou­quet et l’auteur

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