Il y a l’amour comme point de soleil
Sans bords
Il y a les routes comme des terres
De marécages
Il y a le soir, la ville, l’homme sans pieds
Il y a des gran­ules dal­lant les yeux
La mer dans les caves
Suf­fit de sen­tir la venue du vent
Ou peut-être la grandeur bestiale
Des feuilles blanches
Pour alors donc ainsi
Tu n’aimeras point, avoue la nuit

Les départs comme les arrivées
Nouent les files de tes veines
Au fond de ta bouche
Qui ne crie jamais
Les sil­hou­ettes des vers de terre
Qui ron­gent ta vie ton amour ton écriture

La vie est un quart de papier
Chair maculée
Dans le bar du milieu
Dans l’aspect rouge de la flamme
Déli­cieuse comme la langue
Des four­reaux dociles
Chair maculée
Sur la nappe sous la table
Entre les débris du vin perforé

Mes yeux der­rière la tête
Regar­dant mon âme
Visqueuse dégoulinante
Col­lante aux arbres muets
Du boulevard

La  soli­tude assassine
Mes vers d’amour

 

Il n’y pas de phrases
Il y a une ligne qui murmure
Ligne sur l’air suspendu
Aux canines de la chienne
Des fenêtres qui aboient
Tout près de toi
Homme qui pue l’alcool
A Tanger sur le boulevard
Ne viens pas me dire l’aveu
De la puis­sance de la non-puissance
Comme à Casablan­ca les trot­toirs sans nom
Col­lent aux semelles nues
Ou c’est peut-être Montevideo
San­ti­a­go et Paris
Ou c’est Lon­dres quand la divine Katherine
Remuait ses textes et son cœur malade

Quand je t’aime je passe le temps
                             Je pense le temps
                             Je panse le temps
                                       Et mon sexe
Que de syn­onymes avoir pour t’écrire
Le poème des décharges
Des eaux amères
Toi tou­jours une fille à jamais
Der­rière le rose d’un lit
Sans tempête
Arrête les jus de l’émotion

Per­du dans les yeux de la nuit
Dans la bril­lance du boulevard
Tous les boulevards
Ils se bousculent
Sur mes épaules dégarnies
Sans lieux dire
Sans temps révélés
Mais toi transsibérien
Pour­ras-tu comprendre
Le désar­roi des mains
Les four­mis intestines
Qui fourmillent
Au fond des la ruelle du cœur ?

Je ne m’arrête pas
Je fais des escales justes
L’univers des  hommes nus
Est un cimetière
Le long des comp­toirs infinis
Dans le sud des villes meurtries
Crevass­es et celliers
Vignes et prières dociles
Bais­ers des sans joues
Saluts éthérés
Vents solitaires
Ah ! être vent et ne pas caresser
Les mers mielleuses

Il y a ma nuit des pieds
Et je marche puis je bois puis je gueule sans crier
J’annonce la perte de la solitude
Moi, fauché de mes papiers
                     De mes amours
                     De mes vies rêvées

Avalez la langue de la compassion
Rangez vos poches pleines de semonces dégueulasses
La table-ci recueille mes émois
Comme un livre écrit
Par le bar­bu Hemingway
Le safari-ci est mien.

Ce n’est pas le regard
Retourné dans la pulpe des choses
Avancé comme manière
De dire
Ce regard n’est pas mien
Il est juste inutile lien
Quand le corps est une boule
De vapeurs
Et foutez-vous l’âme dans le feu
Inquisi­teurs sans croix
Sans his­toire sans lois
Vau­tours des temps inaperçus
Au-delà des plans sans mots

Les bouteilles s’accumulent
             Se vident
             S’entassent
Meurent dans les vieux carrés
Ils détru­isent tout
Ils ont l’habit
L’œil
Ils n’ont rien
Amis poètes notre verre est cassé
Depuis le pre­mier jour de l’Olympe
Dans la gueule de bois de Bacchus
 

Le monde échoue dans ma vitre
Comme les mon­tres molles
Daliennes
Il y a l’effritement doux
Et les ombres palpitantes
Quand le soir me couvre
De folie
Car tout près dans le grès col­lé à ma peau
Frissonnante
Les sourires des jolies filles
En jeans col­lants en bodys moulants
Aux ports altiers
Déess­es des temps modernes
La ving­taine à peine
Des souris blanch­es sur les dents de nacre
Elles brû­lent l’acte amoureux
Sur les trot­toirs sans compagnon.

Je m’en vais
Elles s’en vont
L’œil de l’ogre moral
Dresse des piquets dans les chairs
Dans nos veines à coups de scalpel
J’écrase les moustiques
Je vide les ver­res der­rière la cravate
Le sais-tu
Eter­nel per­dant sur les chemins
Des déserts des cités enfouies
Sous l’enfer des prêcheurs
En mal de libido ailé

Entre l’infini maigrineux du boulevard 
Le réduit soulageant du café
Dans l’un dans l’autre
Je marche dans ma chaise
La tête pleine de con­trées de désirs
De la fin
Ça résonne
Ça tape
Ça sonne

Le bruit demeure muet
Le son est de chêne
Des mots et des mots
Des pas et des pas
Comme des sauts dessinés
Sur l’écran gris des soucis
Moi le chantre du grand silence

Et l’envie est une couleur noyée
Dans l’océan des souf­frances douillettes
Et mon vin peine à cracher la vérité
A la face des dic­ta­teurs de la conscience

Tu écris
Tu te crois dans l’autre monde
Titan de papi­er ensanglanté
Mais les chauves-souris te trouent les yeux 

Tu n’as pas le droit d’être seul
Même en buvant
Ton verre malheureux
La chaise vide
N’est pas tienne
Elle est sans siège
Gare au faux

Alors j’aime
J’écris
Je me dés­in­tè­gre dans les yeux
Des filles du moment
Un petit éros sans flèch­es ni avenir

 

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