Ele­na Juris­se­vich est une poète suisse de langue ital­i­enne, née en 1976. Elle a étudié la théolo­gie et les let­tres à Genève, et sa poésie est empreinte d’une forte pro­fondeur. Ou d’une pro­fonde force. Les deux. Notons aus­si qu’elle est mem­bre du comité de rédac­tion de la revue Hétéro­graphe, revue des homolit­téra­tures ou pas, une revue que Recours au Poème apprécie :

http://heterographe.com/

Nous avons d’ailleurs, au début de notre aven­ture, pub­lié des poèmes du fon­da­teur de la revue, Pierre Lepori :

https://www.recoursaupoeme.fr/po%C3%A8tes/pierre-lepori

Poèmes traduits de l’italien, excellem­ment, par Mathilde Vis­ch­er, tout comme le présent recueil d’Elena Jurissevich.

Ce qui reste du ciel est un beau petit livre, d’aucuns diraient une « pla­que­tte », illus­trée par des œuvres à la fois drôles et graves de Nic­co­lo Iorno. Une par­tie des poèmes a paru dans La Revue des Belles Let­tres, ce qui en Suisse n’est pas une mince référence.

La poésie d’Elena Juris­se­vich dit « Je », et même « Je dérape », tout en appelant au témoignage de l’autre, ou encore en par­lant à cet autre. Une poésie qui parvient, cela est fort rare, à être en même temps extrême­ment con­tem­po­raine et tout autant reliée à la Poésie. Et à sa vie, son his­toire. Le Je et l’autre sont ain­si ponc­tués de « poèmes con­tes ». Légen­des et mythes.

 

Un vil­lage avait pour sage un arbre.
Deux branch­es maîtress­es couraient le long du pré.
Les pommes éclataient d’ocre et de parfum.
Per­son­ne ne se risquait à les goûter.
L’une des branch­es : venin et mort.
On avait oublié laquelle.
Un été de touf­feur suiv­it un print­emps sans eau
et devint squelette dans un automne, un hiv­er desséchés.
Print­emps entrou­vert, les champs devenus étoupe.
Seul l’arbre sage fleu­rit. Un père, hiératique
fix­ant son fils mourant, cueil­lit vécut mordit.
Les vil­la­geois décapitèrent la branche
en dansant se partagèrent les fruits.
Le lende­main ils étaient par­mi la poussière
et l’arbre, tout ronces et brasier.

 

Il y a l’Afrique, ici. Mais une Afrique uni­verselle, comme le sont ou devraient l’être toutes les civil­i­sa­tions, et surtout comme devraient l’être nos per­cep­tions de toutes les civil­i­sa­tions. Et des fulgurances :

 

J’y suis par à‑coups.
Hébétée. Famélique.
En deux orteils d’eau dissoute.

 

Ou encore :

 

Ce qui reste du ciel.
Un rideau de fer (…).

 

Ce livre, beau, a le rythme vivant d’un chant.

Si on ne con­naît pas encore les édi­tions Samiz­dat, on gag­n­era à décou­vrir leur beau cat­a­logue ici :
http://www.editionsamizdat.ch/cms/

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