À Pierre Dhainaut

 

Aux pieds des pas de l’arbre,
L’enfant appre­nait à marcher
Comme un grand –
Corps enrac­iné jusqu’au soleil
Avec les oiseaux – ses chants
Allés au ciel si bleu –
Cri ailé – lumière où tremblent
Ses branch­es – mains fines et blanches
Dans la paume desquelles
L’enfant retrou­vait son souffle
Avec les feuilles – envolées.

 

 

***

Lorsque l’enfant était enfant,
Il habitait les arbres –
Entendait leur voix profonde
Dans l’intérieur de l’arche,
Les soupirs humides
De l’écorce blessée –
Quand il gra­vait son nom
Au couteau confiait
Sa nudité –
Rien, dis­ait-il au bois vivant,
N’est plus doux que d’entendre
Les anges – 
Déjà se consumaient
Ces mots du ciel – comme une lame
Le soleil noir revenait
Éclair­er les racines
Enfin – l’enfant
Pri­ait – la terre,
Avec deux mains ouvertes.

 

***

 

 

Lorsque l’enfant était enfant,
Lorsqu’il pleu­rait encore
Toutes les larmes de son corps,
Ses chants for­maient une auréole
Bleu ciel sur le drap déplié –
Un par­fum de neige
Rap­pelait le geste tendre
D’une mère imaginée –
Comme si des mots
Émanait la présence ravie
Du som­meil à la veille
L’éclair du songe,
Son sourire argenté.

 

 

***

 

 

L’enfant qui, jadis,
Retrou­vait les plumes perdues
Des oiseaux voyageurs
Écrivait de nou­veaux chemins
Emprun­tait des pas­sages secrets
Se sou­vient-il du vent qui les a emportées ?
On dirait que ses mains, en écoutant le ciel
Soudain – ont gran­di, comme si
Inquiètes, elles avaient sen­ti l’ombre
Dans la lumière.

 

 

***

 

L’enfance a ses parfums
Comme les simples
Ils guérissent –
Herbes folles, orties,
On les ignor­erait presque
Si l’air ne venait nous rappeler
Leur promesse –
Une fraîcheur dans le fond,
Quelque chose d’inachevé
Délivre –
Donne une liberté
Aux choses qui survivent.

 

 

***

                                
Jadis, j’ai traversé
Une mai­son avec un grand jardin –
Abeilles et fan­tômes dor­maient dans les confins
C’était l’hiver – la chem­inée respirait
Un petit garçon m’ouvrit
Le temps avec ses mains,
Y déposa un peu de terre –
(L’espace d’une parenthèse
Comme un foy­er j’ai cru
L’instant d’éternité)

Mais
De l’autre côté,
La pierre tombale –

Tu me disais :
« Il faut brûler les herbes mortes –
Souf­fler sur le feu
Pour qu’il prenne »

(Mets ta main dans la mienne)

Nos vies, je crois,
Se sont croisées sur cette terre
Que jadis la guerre
Avait blessée –

De pro­fondes tranchées
Sil­lon­nent encore nos cœurs
Nous faisant frères
De com­bats et de peines
Avec la même cica­trice sur le côté –
Comme celle qu’on voit sur les arbres
Après le gel –

Nos sou­venirs coulent
Pareils à de la sève
Dans nos veines

Et de ces noirs sil­lons une source
Jaillit –

À ces eaux nous buvons
Une vie nouvelle.

 

 

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