Ouverture de la clairière
FEMME QUI DANSE …………………………………………………………………………
(À lire à haute voie avec tambour d’appel et castagnettes)
Fête de têtes de plumes de touraco scintillantes.
Fous coups de perles de cauris étincelantes.
Essaim de seins peints et fins à la pétulance flamboyante.
Étranges hanches étanches et en transe éblouissantes.
Reins sereins d’airain aux contorsions haletantes.
Bras abracadabrants de bracelets de baronne de Bafang.
Et de Dschang
Jambes rutilantes de castagnettes d’initiée Fang
Aux masques épatants.
Yeux de boa mâle de la chantante Sanaga
Et du terrible Congo de Kinshasa.
Jupe de nervures de raphia d’Akwaya
De Bafia
D’Abuja
Et de Sangmélima.
Pieds en éruption d’esthète d’ozila,
De makossa
Et de cha cha cha
Elle explose en virtuose
Et se métamorphose
En adipeuse larve de palmier dodue
Et en noire chenille au dos aigu et velu.
Qui se trémousse avec une frousse
Douce.
Et le tam-tam inspiré de rythmer
La trépidante mélodie pour célébrer
En cadence la bien-aimée
Dans la tonitruante truculence
De la suave romance.
Et le soleil de danser frénétiquement
Et la Lune de scander follement
Au son de l’algaita
De Kolofata
La chanson du touraco
Aux échos
Musicaux
Infernaux
Et phénoménaux.
Et géniaux.
Et tropicaux.
Et éblouissants
Éblouissants
Éblouissants
Accents
Accents
Accents
Sang
Sang
Sang
Ça
Ça
Ça
a
a
a
Jacques FAME NDONGO, Espaces de Lumière, Eloge de l’afritude, Yaoundé, Presses universitaires de Yaoundé, 2000, pp. 23–24.
Deuxième clairière
FEMME CHEF DE GUERRE …………………………………………………………
Courageuse, majestueuse et intrépide,
La stratège Louh, chef Vuté splendide,
Règne sur la communauté de Séré avec magnificence.
Avide de puissance, d’honneur et d’indépendance
Elle dirige les assauts contre les Allemands, avec intelligence.
Elle étend son impérium sur toute la contrée
De Mankim, Nyoo, Metep et Ouasso Babouté.
Et de tous ses sujets elle se fait respecter.
Vêtue du tissu de bois battu ngéré ;
De son arbalète, de sa lance et de ses flèches, armées,
Elle exhibe son superbe et solide bouclier
En peau de buffle, insigne du preux guerrier.
La magnifique fille unique de Votoo et de Kukui
Tire de la soif de liberté enfouie et évanouie
Au fond de la conscience de son peuple altier
La volonté inénarrable de défier le félon étranger.
Elle se mire, transfigurée, dans sa magique besace
Aux mille et un pouvoirs surnaturels,
Aux étincelles et aux éclairs rebelles,
Aux éclats de tonnerre et de foudre coriaces
L’Amazone de Séré et de Yamba-Mankim terrorise
Les Germains, de sa pétulance et pulvérise
L’armée adverse mise en déroute par les Vuté
À la combativité téméraire et sans pusillanimité
Se sent –elle menacée que la digne fille de Votoo
Fait tonner la foudre par monts et vaux
Et enfanter la pluie et l’orage
Et provoquer l’ire de la rivière Njeke en rage ;
Les troupes allemandes en débandade
Tombent en pâmoison et leur pantalonnade
Exacerbe que leur désarroi et leur effroi
À la vue de l’olympienne Louh sans émoi.
Puis vient le couard Humaru le félon,
Travesti en fou et vêtu de loqueteux haillons
Qui voit s’ouvrir devant lui le portait du Palais
De la Reine Louh et, lâche, commet le meurtre laid.
L’âme sublime de la valeureuse guerrière
Plane toujours sur la contrée fière
De Yamba Mankim et l’esprit de l’Amazone
Surnommée Mammy Katakata, erre sans aurôme.
Sa terre gémit et saigne, spoliée.
Son Palais en quenouille accuse les insensés
Qui, par pleutrerie et par turpitude,
Ont plongé son noble manoir dans la décrépitude.
Jacques FAME NDONGO, Espaces de Lumière, Eloge de l’afritude, Yaoundé, Presses universitaires de Yaoundé, 2000, pp. 47–48.