Et tu aban­donnes ton âme en des lieux étrangers :
un peu de ta peau,
un peu de tes songes douloureux.

Main­tenant,
la parole sera triste,
le silence sera  inconfortable.

Elle est incandescente
cette part de glace qui s’im­pose dans la gorge.
Cette part anci­enne dont je ne sais s’il faut la crois­er ou la contempler,
comme on con­tem­ple les feuilles en automne.

Et la sur­prise main­tient vives les veines.

Main­tenant,
il n’y a pas de par­a­sites qui marau­dent dans notre chair.

Main­tenant,
nous sommes délivrés des rites
qui n’ap­pa­rais­sent plus dans notre esprit.
J’ai lais­sé quelque chose de moi un peu partout.
(Je ne souf­fre pas de cet abandon).

Nous atten­dons toujours
que revi­enne le sceau des petits secrets.

Plus loin de moi
il y aura une ombre errante,
les environs,
tou­jours les environs
cher­chant un fond.

Avant il n’y avait même pas la trace de nos songes.
Il n’y avait pas des por­traits qui nous dénoncent.
Avant : qu’avions-nous l’habi­tude dire ?
Et le désir de par­ler nous est étranger :
il en résulte comme un tic involontaire.

Il faut s’échapper ,
être loin des voix qui nous appellent.
(Et nous sommes les voix).

Par­fois je fus différente.

Éloignée de quelqu’un qui n’est plus.

Le temps est comme un vête­ment qui nous dénude sans arrêt :

                             des guenilles
(Je m’habitue au nom,
pas au lieu).

Je suis étrangère à ce morceau de craie : je n’écris rien.

Un haut mur
de terre
ouvre un espace étranger à ma mémoire.

- : -

Ensem­ble nous nous net­toyons de la poussière.
Ensem­ble nous léchons l’obscurité,
marte­lant le silence
avec des présages quotidiens.

Ensem­ble,
les formes
de nos pieds
croisent
le délire de l’oubli.

Et je me réfère à la nuit
comme à une rigoureuse prom­e­nade à tra­vers ton corps,
comme à une carte inex­tri­ca­ble de voix surprises,
comme à une bouf­fée de fumée assoiffée,
comme à une poignée d’heures sans fond.

Remet­tre en ordre la vie :
est-ce que ce sera comme met­tre une nappe sur la table ?

Alors,
peut-être
mourir ne sera pas si difficile.

 
— : -

Me voici hésitante,
scin­til­lant comme une lampe à kérosène.
Me voici dispersée,
proche des brais­es et du charbon
qui te peignent en vert.

Ain­si
mes os for­meront un petit mon­tic­ule de cendres.

Ain­si,
une voix se repro­duira indéfiniment

Me voici transparente
grâce à une lumière cendrée,
me léchant les doigts pour compter les heures.

Ain­si,
je t’at­tendrai avec une fleur sous le bras,

pour réveiller les anciens jeux
qui per­durent encore au début du tunnel.

Ain­si,
avec les yeux d’une mouche je regarderai tes yeux.

- : -

Déam­buler sys­té­ma­tique­ment devant les autres,
devant les yeux des autres.
Obtenir une forme dés­in­volte et rustique.
Et les coups de fouet,
et l’ab­sence en déroute
et les allitéra­tions apprises.

L’u­nique forme de mes mains
est celle de mes pro­pre mains.

Il faut ouvrir ses yeux devant ce tableau,
mais la mer est une vague grisâtre.
Tu embrass­es mon auréole bien gardée ,
les pro­fondeurs réduites en miettes
par la sueur.

 

 

Poèmes extraits de : Como mon­edas vie­jas sobre la tier­ra ( La Man­cha, 2012 )
Traduits de l’es­pag­nol (Bolivie) par Max Alhau.
 

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