Fario, 13 : qu’avons-nous fait de la beauté ?

 

C’est une très belle revue, avec déjà une his­toire inscrite dans l’histoire générale des let­tres et de la pen­sée de ce début de siè­cle. Car ain­si que le dis­ait Matthieu Bau­mi­er au sujet du numéro précé­dent de Fario, ici il y a une âme. C’est en effet ce qui frappe d’emblée avec ce nou­veau numéro, cette fois con­sacré à la beauté, ou plutôt à ce « thème » : Qu’avons-nous fait de la Beauté ?

Beauté, avec une majuscule.

Le Beau.

C’est-à-dire l’indissociable du Bien.

Et Fario pour­suit donc sa route le long de vraies ques­tions, essen­tielles : le Beau, le Bien. Ques­tion­nement qui dit l’angoisse sourde de tous ceux qui obser­vent avec inquié­tude les événe­ments, non pas les con­jonc­tures, les petites choses politi­ci­ennes et/ou économiques, non, les événe­ments qui infor­ment pro­fondé­ment l’homme : que se passe-t-il au cœur de l’humain et donc de la vie (et donc de la poésie) quand Beau et Bien sem­blent se dis­soci­er du réel (mot ici employé au sens de concret/quotidien) ? Il y a peu, cette inter­ro­ga­tion aurait sans doute été taxée de « réac ». Ce ne peut plus être le cas. Tout esprit atten­tif aura main­tenant remar­qué com­bi­en l’enfouissement pro­gres­sif du Beau et de son coro­laire le Bien indique une sorte de « mal­adie » en voie de général­i­sa­tion, laque­lle peut sans doute être con­sid­érée comme dé-civil­i­sa­tion­nelle. Cela même que nous appelons ici, dans Recours au Poème, l’action directe de l’anti poésie. C’est pourquoi l’urgence est à l’action poé­tique – et c’est pourquoi Recours au Poème s’est dés-occulté depuis peu.

Le Beau et le Bien sont comme reliés au Poème par un fil à plomb ver­ti­cal.

Et une telle ques­tion, dans une revue à ce point préoc­cupée du « Mal », évo­quant sou­vent les péri­odes de la shoah et du stal­in­isme, cela dit beau­coup. Tout se passe comme si Fario fai­sait advenir à la lumière les fonde­ments du mal-être dif­fus qui sem­ble s’installer partout, en nous et autour de nous. Que cela se fasse dans une revue lit­téraire n’est pas pour nous éton­ner. Nous savons que tout se joue en dedans de la langue/Parole.

Alors, la revue s’ouvre sur le lim­i­naire de Vin­cent Pélissier, lui-même engagé par une cita­tion de Péguy et cela, ici, n’est pas affaire d’anniversaire : « Un san­glot rôde et court par-delà l’horizon ». Péguy. Il con­vient que les poètes s’insurgent, au sens pro­pre de ce mot, qu’ils se met­tent debout. Cela même, cette néces­sité, qu’Antonin Artaud vivait en chaque pore de son corps, et lisait, angois­sé, dans les textes de Guénon. Vin­cent Pélissier dit exacte­ment ce bât qui blesse :

« Ce qui nous fait de l’étonnement et de l’inquiétude c’est l’indifférence très répan­due, l’anesthésie générale, l’évitement sys­té­ma­tisé du sen­ti­ment de la beauté ».

Oui, Vin­cent Pélissier, nous souf­frons sur le même précipice que vous, et cela nous fait vio­lence.

Nous en appelons donc vive­ment à nos lecteurs. Allez au devant des pages de cette revue, de ce ques­tion­nement et des textes de Gilles Ortlieb, Jacques Dumade, Milan Simec­ka, Denis Rigal, Jean Fré­mon, Antoine Emaz, Jacques Fre­det, Salah Stétié, Dolorès Marat, Charles-Albert Cin­gria, Pierre Chap­puis, Chris­t­ian David, Chris­t­ian Mouze, Lionel Bourg, François Bor­des. Et même le très beau poème de Pas­cal Riou (nous sommes igno­rants en matière de ran­cune). Les autres pages de la revue sont tout autant à décou­vrir, comme d’habitude finale­ment du côté de Fario, par exem­ple les inédits de Cin­gria ou les poèmes de Boris Slout­s­ki traduits du russe par Chris­t­ian Mouze.

Ici, on est vivants et on ne craint pas d’affronter, dans la langue, les vio­lences faites à la Beauté. C’est-à-dire, au fond, les vio­lences faites à la pro­fondeur de nos âmes.

Messieurs, nous vous salu­ons dans l’Amitié du Poème. 

Fario, 13.
Direc­tion : Vin­cent Pélissier
Comité de rédac­tion : Serge Airol­di, François Bor­des, Richard Brun­ner, Max de Car­val­ho, Jacques Damade, Allan Diet
26 rue Daubigny. 75017 Paris.
(deux numéros par an).
26 rue Daubigny – 75017 Paris.
revue.fario@gmail.com

Site : http://www.editionsfario.fr/
Abon­nement : 50 euros.
Le numéro : 28 euros. Chaque numéro, autour de 400 pages.

 

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