-Just like you I was such a rebel
            So dance your own dance and nev­er forget-

                                               Joe Cock­er

 

Ce soir la lampe consent
à cal­cin­er les phalènes
Un crépite­ment long
une âcreté ancienne
sig­na­lent l’agonie sage
d’un qui a vécu
La lumière éclabousse
Le long thrène messager
Qui son encre déroule
et lente­ment ses sanglots
L’ivrogne crépusculaire
rivé à un proche pilot
braie braie à la cantonnade
son absurde bréviaire
L’homme s’égosille en vain:
non les grat­te-ciels hautains
n’en auront jamais cure
de ces phalènes dorés
au sort soudain

Feu ce phalène mien
On a mis une coupe
et un plat sous sa couche
On a mis quelques nuits
au bout de quelques jours
et puis son corps à l’aise
dans l’ampleur d’un coton
qui de jaune de noir
et de mauve est tissé
Ses belles ailes brunes
soigneuse­ment repliées
atten­dent l’heure du regain
de l’envol du retour
de sept de ses qualités

Au fond d’un puits tombés
ses yeux qui s’accoutument
voient les pro­fils tremblés
des pour-naître et des aînés
au son creux du silence
danser
Dans sa nacelle en partance
on a fait embarquer
une détresse et des pagnes
la récade qu’il aimait
un poème des caresses
un peu de gomme et d’encens
Si c’était à refaire
fig­urez-vous ma mère
j’ajouterai un chiffre
pour la complicité:
treize bien sûr pour la chance
cinq à désor­mais fêter
Plus un fil de la vierge
pour notre descendance
un bou­ton d’or des prés
et puis une malvacée
Cloué porté fleuri
Chan­té drapé béni
Encordé rafraîchi
Enseveli
Envolé

Sur l’oeil de son aile
sur son ven­tre brûlé
le grand poids des gerbes
novem­bre un crachin
Sur son verbe d’argent
une dalle plus rien
C’est à griffes redoublées
que je gratterais
le sol mou et amer
saccagerais les fleurs
effilocherais le vent
de rage folle trouerais
la page à essayer
en larmes et en vain
d’y enter­rer ma plaie
Qui par­lera jamais
de la for­ti­tude triste
de ces phalènes dorés
qui un beau soir consentent
à offrir le sec de leur corps
à la bête de feu colère
de ne les embraser
qu’enfin

Las ma mie ma mère
feu ce phalène mien:
qu’on verse à terre du vin
pour l’ancêtre qui est né
pour celui qui en rêve revient

  
 

 

 

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