Je n’ai pas de frères de race,
j’ai des frères de condition,
des frères de for­tune et d’infortune,
de même fragilité, de même trouble
et pareille­ment promis à la poussière
et pareille­ment entêtés à servir
si pos­si­ble à quelque chose,
à quelqu’un, même d’inconnu,
à quelque frère de même portée,
de même siè­cle, ou d’avenir….

Je n’ai pas de frères de race,
ni de reli­gion, ni de communauté,
pas de frères de couleur,
pas de frères de guerre ou de combat,
je n’ai que des frères de Terre
sec­oués dans la galère
des espoirs et désespoirs
des mor­tels embarqués,
des frères de rêves partagés
et de peurs trop communes.

Je n’ai pas de frères de race,
j’ai des frères de condition,
bien dif­férents et très semblables,
d’ailleurs ter­ri­ble­ment interchangeables
dans l’égoïsme
ou dans la compassion…
Des frères tout pétris de l’envie
de partager leur soli­tude avec le pain
et par­fois le bon­heur insigne
d’apprendre ensem­ble à dire non…

Je n’ai pas de frères de race,
mais des frères dans le refus
de n’être qu’un passant,
des frères par l’art et par le chant,
et l’énergie déployée chaque jour
à tenir tête au néant.
Des frères à tra­vers les âges,
la géo­gra­phie et les frontières,
— et qui sait même, au-delà de l’espèce,
peut-être un frère en tout vivant…

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