dri­ving

 

the lie is brief and sweet
the truth is for­ev­er and hard
in dry prong  louisiana on march 7 2011

the lie can last a long time says laura
you mean like religion
that and oth­er things like that

pris­ons hos­pi­tals churches
simul­ta­ne­ous afterthoughts

only trees seem to be trees
whose inmates didn’t build them

 

 

la route

 

le men­songe est bref et doux
la vérité est dure et pour toujours
dans la sécher­esse en fourche de l’estuaire
de la louisiane le 7 mars 2011

le men­songe est capa­ble de dur­er longtemps a dit Laura
tu veux dire comme la religion
ça et d’autres choses comme ça

pris­ons hôpi­taux églises
réflex­ions simultanées
seuls les arbres sem­blent être des arbres
que leurs occu­pants n’ont pas érigés

 

 

salt

 

Our par­ents wore arm­bands on their arms
and our bod­ies in their wombs
I’d have pre­ferred the reverse.
Today I’d know what to resist and what to love.

 

 

sel

 

Nos par­ents por­taient des bras­sards aux bras
et nos corps dans leurs ventres.
J’aurais préféré la sit­u­a­tion inverse.
Aujourd’hui je saurais à quoi résis­ter et quoi aimer.

 

 

haifa

 

It’s amaz­ing how lit­tle ennui I’m capa­ble of
just one unstim­u­lat­ing day though pleasant
I’m climb­ing the built-by-my-inabil­i­ty-to-drink wall
on the oth­er side are three coun­tries at war and a placid sea
how much of the empti­ness around is filled
by oth­ers who must feel even emptier
when I count the steps of the baha’i gardens
with­in mis­sile range israel is my age
it’s all the things I am minus u.s. citizenship
if there is a place to be seri­ous this may be it

 

 

haifa

 

C’est éton­nant à quel point je suis inca­pable d’ennui
juste une journée sans intérêt par­ti­c­uli­er et pour­tant agréable
en grim­pant le mur construit-par-mon-incapacité-de-boire
de l’autre côté il y a trois pays et une mer placide
com­bi­en le vide envi­ron­nant se remplit
d’autres qui doivent se sen­tir encore plus vides
quand je compte les march­es des jardins baha’i
juste dans la ligne de mire des mis­siles israël a mon âge
c’est tout ce qui je suis sauf que je suis un minus­cule citoyen américain
s’il existe un endroit où il faudrait devenir sérieux c’est peut-être celui-ci.

 

 

fool­ish things to do immediately
                         where the alpha­bet ends, the uni­verse begins
                         _gunnar harding

find a post office open sat­ur­day in stockholm
buy flow­ers instead for a hope­less­ly beau­ti­ful and sad friend
blow into your hands a ges­ture remem­bered from decades ago before
        liv­ing in the tropics
walk in the exact oppo­site direc­tion from my hotel on Strandvagen
to a street full of resplen­dent young moth­ers push­ing plump babies
       in ele­gant carriages
enter a church built inside a rock and note a silence unheard of
think of gun­nar and new orleans a com­bi­na­tion that makes me sud-
     den­ly cheerful
the city looks like a pipe from which a thin spi­ral of smoke
trav­els unim­ped­ed across the baltic to the gulf of mexico
with a brief stop in lon­don where sick hors­es are cured by old friends
with poul­tices of poet­ry and cur­rents flow­ing where the alpha­bet ends

21 april 2012 stockholm
for gunnar

 

 

les folies à faire immédiatement
                             là où l’alphabet prend fin, c’est là où l’univers commence
                                              _gunnar harding
                                                                  
trou­ver un bureau de poste ouvert le same­di à stockholm
sinon acheter des fleurs pour une amie dés­espéré­ment belle et triste
souf­fler sur tes mains en faisant un geste datant de décennies
      vivre dans les tropiques
marcher dans un sens exacte­ment opposé à celui où se situe mon hôtel sur Strandvagen
jusqu’a une rue pleine de jeunes mères resplendis­santes pous­sant leurs bébés dodus
      dans des voitures élégantes
entr­er dans une église con­stru­ite à l’intérieur d’un rocher et remar­quer un silence inouï
penser à gun­nar et à la nou­velle orléans un ensem­ble qui me rend tout à coup très gai
la ville resem­ble à une pipe d’où sort une mince spi­rale de fumée
voy­ager sans obsta­cle de la bal­tique au golfe du mexique
avec un bref arrêt à lon­dres où des chevaux malades sont soignés par de vieux amis
en employ­ant des poul­tices de poésie et des eaux ruis­se­lant là où l’alphabet prend fin

21 avril 2012 stockholm
pour gunnar

 

 

birth­day poem
& bed frame IOU
for my love 9.27.01

 

And for your birthday
what should I get you
1.7 acres with a pond
shoes with jew­els or
pam­per­ing at the spa?
Eggs in bed, you said,
I want you to make me
eggs the way you make
them fluffy scrambled,
So you get up before me
and make me coffee
instead and I don’t get
to make you eggs in bed
and the war is on TV
and it’s Yom Kippur
I know that what you
real­ly want is a bed frame
to turn the bed into a ship
a book-ship to read in
as we set sail through
the rocky cen­tu­ry ahead
Hold steady, baby
Mag­el­lan loves you

 

 

Poème pour ton anniversaire
et bois de lit IOU
à mon amour 27.9.01

 

Et pour ton anniversaire
qu’est-ce que je t’offre
1 hectare avec un étang
des souliers façon­nés avec des bijoux ou
des soins de princesse dans un spa?
Des oeufs servis au lit, as-tu dit.
Je veux que tu me prépares
des oeufs à ta façon
brouil­lés mousseux
alors tu te lèves avant moi
et c’est toi qui pré­pares mon café
et pas moi et je n’ai pas la chance
de te servir des oeufs au lit
et on mon­tre des films de guerre à la tv
et c’est Yom Kippur
Je sais ce que tu veux
réelle­ment c’est un bois de lit
pour trans­former notre lit en vaisseau
un vais­seau-livre où nous pou­vons lire
en voguant à travers
le siè­cle tur­bu­lent juste devant
Tiens-bien à moi, bébé
C’est Mag­el­lan qui t’aime 

 

 

Rain

 

New York in the rain
More joy­ful anonymity
Bour­geois rain
under the 20th century’s umbrella
scur­ry­ing in the rain
to close the nasty century
like a shop
rain in Paris in London
joy­ful rain in New Orleans
hap­py splash­ing rain on human scale
streets of rain
women of rain men of rain
every­where time rains its remaining
tears on the work­ing drudges
of Budapest, Moscow, and Tokyo
rain everywhere
not enough for the crops
too much for the rivers
just enough for the poets
on the win­dows of trains

(com­mis­sioned by the new orleans klezmer all-stars)

 

 

Pluie

 

New York sous la pluie
Encore plus de joyeux anonymat
Pluie bourgeoise
sous le para­pluie du 20e siècle
filant sous la pluie
pour fer­mer le siè­cle crasseux
comme une boutique
pluie à Paris à Londres
et tou­jours la pluie à Londres
pluie joyeuse à La Nou­velle Orléans
pluie heureuse rejail­lis­sant à l’échelle humaine
rues de pluie
femmes de pluie hommes de pluie
partout le temps pleut les restes
de ses larmes sur les bêtes de somme
de Budapest, Moscou, et Tokyo
pluie partout
pas assez pour les plantations
trop pour les rivières
juste assez pour les poètes
la regar­dant par les fenêtres des trains

(par com­mis­sion des klezmer all-stars de la nou­velle orléans)

 

 

they will do what­ev­er it takes

 

When­ev­er I begin to think, some­thing real­ly loud starts up, like a
lawn­mow­er or a loud­speak­er. I’ve learned to ignore that noise by sink-
ing deep­er, but it’s no pic­nic. The loud­er the world gets, the deeper
you have to go to do your think­ing. On the oth­er hand, you can go
real­ly deep. Find­ing a place to do your think­ing in peace is like dig-
ging a well: you may have to drill to the cen­ter of the earth past the
water table, but there you are, at the cen­ter of the earth, thinking.
Out­side they are scream­ing for you to fas­ten your seat belt, but below
you there is only the zoom of a dense mag­net­ic ball turn­ing your
thoughts on a lathe. The cen­ter of the earth is so loud it’s silent, a par-
adox, but that’s what you get when you dig mov­ing the oppo­site way
from what you’ve been taught or read, which is what think­ing is.
Think­ing is a dense mag­net­ic iron ball at the cen­ter of the earth spin-
ning against the earth’s grav­i­ta­tion­al field.

Typ­ing as fast as I can some­times I can some­times I can still hear myself

 

 

Ils fer­ont tout ce qu’il faudra

 

Aus­sitôt que je com­mence à penser, quelque chose de très bruyant com­mence à se faire enten­dre, comme une ton­deuse de gazon ou un haut-par­leur. J’ai appris à ne pas y faire atten­tion en descen­dant plus pro­fondé­ment en moi-même, mais ce tra­jet n’est aucune­ment un pique-nique. Le plus bruyant que le monde devient, le plus pro­fondé­ment il faut descen­dre pour se met­tre à penser. Par con­tre, vous pou­vez descen­dre très pro­fondé­ment. Trou­ver même  un endroit où vous pou­vez penser en paix ressem­ble au proces­sus de creuser un puits : il faudrait peut-être percer jusqu’au cen­tre de la terre en descen­dant plus bas que la table d’eau, mais vous voilà, au cen­tre de la terre, en train de penser. Dehors ils vous cri­ent d’attacher votre cein­ture de sécu­rité, mais au dessous de vous ne s’entend que le vrom­bisse­ment d’une dense balle aiman­tée roulant vos pen­sées sur un tour. Il fait tant de bruit au cen­tre de la terre que l’on n’entend que du silence, un para­doxe, mais c’est là où vous arrivez quand vous creusez dans le sens opposé à ce que l’on vous a appris, à ce que vous avez lu, ce qui revient à l’acte même de penser. La pen­sée est une dense balle de fer aiman­tée au cen­tre de la terre tournoy­ant dans le sens opposé au champ de la grav­i­ta­tion de la terre.

En tapant à la machine aus­si vite que je peux faire par­fois je peux encore m’entendre

 

 

ode to allen ginsberg

 

fifty years from the pub­li­ca­tion of howl
allen gins­berg in 1955 in san francisco
the abyss looked back but the young were
not fright­ened they leapt into the mouth
of the future and it wasn’t hell like the elders
said but awe­some sweat of youth mixed
with hell­ish light dri­ven by spilled blood
his­to­ry not the same one that pulled Naomi
in its under­tow and my peo­ple too
1955 was much clos­er to 1942
than 2005 and do we know any­thing more
yes we know joy and the plea­sures of peace
as ken­neth koch so apt­ly put it civilized
the mouth of hell wide open
keeps howl­ing through the iPods but its force
is par­celled and pos­si­bly diminished
allen you called it and it called you
we were your vis­i­tors even when you vis­it­ed us
and vis­it­ing you did every­one remembers
in prague in bal­ti­more and in new delhi
this addi­tion of hap­pi­ness your work
(fifty years’ worth for everyone)

 

 

ode à allen ginsberg

 

cinquante ans depuis la pub­li­ca­tion de howl
allen gins­berg en 1955 à san francisco
l’abîme nous retour­nait le regard mais les jeunes n’en avaient pas
peur ils sautaient dans la gueule
du futur et ils n’y trou­vaient pas l’enfer que les aînés
avaient prévu plutôt la sueur ter­ri­ble des jeunes mélangée
à une lumière ani­mée par le sang versé
l’histoire mais pas la même qui a emporté naomi
dans ses courants de fond et mon peu­ple aussi
1955 était bien plus proche de 1942
que 2005 et avons-nous atteint une con­nais­sance plus large
oui nous con­nais­sons la joie et les plaisirs de la paix
civil­isés ain­si que ken­neth koch l’a si bien exprimé
la gueule de l’enfer grand ouverte
con­tin­ue à hurler des iPod mais sa force
est morcelée et peut-être diminuée
allen c’est toi qui a fait l’appel et toi qui étais appelé
et nous étions tes vis­i­teurs quand bien même tu nous as ren­du visite
et de tes vis­ites tout le monde s’en souvient
à prague à bal­ti­more à new delhi
ce sup­plé­ment de bon­heur ton oeuvre
(valeur de cinquante ans pour tout le monde)

 

from SO RECENTLY RENT A WORLD : New and Select­ed Poems: 1968–2012, Cof­fee House  Press, Min­neapo­lis, 2012
Trans­la­tions in French, Eliz­a­beth Brunazzi 

 

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