Gérard Cléry, pre­mier vol­ume de la col­lec­tion Parcours 

aux édi­tions Spered Gouez

 

 

Marie-Josée Christien aime à faire décou­vrir les tal­ents mécon­nus. Les édi­tions et la revue Spered Gouez qu’elle ani­me ont cet esprit sauvage qui les tient dans la lib­erté finan­cière et l’indépen­dance de toute mode. Cette indépen­dance qui per­met de met­tre en lumière des auteurs injuste­ment peu con­nus. Dans sa col­lec­tion Par­cours, nou­velle­ment créée, elle regroupe biogra­phie, entre­tien, recen­sions et antholo­gie afin de per­me­t­tre une décou­verte totale d’un auteur. Pour ce pre­mier numéro, c’est sur Gérard Cléry qu’elle a choisi d’ori­en­ter les projecteurs.

Parce que Gérard Cléry n’oc­cupe pas le devant de la scène poé­tique dans les émis­sions de radio, les maisons de la poésie, les marchés du livre, les fes­ti­vals, il faudrait qu’il demeure incon­nu et que son tra­vail exigeant d’ar­ti­san des mots reste enfoui à jamais loin de nos appétits de décou­verte ? C’est à cette injus­tice que Marie-Josée Christien souhaite s’at­ta­quer en pub­liant le pre­mier ouvrage de cette collection.

La biogra­phie de Gérard Cléry est un long voy­age de la région parisi­enne jusqu’à la Bre­tagne en pas­sant par l’Al­gérie et le Chili, mais aus­si l’Es­pagne, le Mex­ique et la Russie. Un beau voy­age avec, comme il se doit, de mul­ti­ples ren­con­tres pas­sion­nantes (Pierre-Jean Oswald, Pierre Morhange, Jean Mal­rieu, Oliv­en Sten/Armand Olivennes, Gabriel Cousin, Franck Venaille, André Libérati, Angel Par­ra, Antoine Vitez, Jacques Simonomis, Colette Mag­ny,  etc.). Sans par­ler de Que­neau, Camus, Cocteau, qui sont venus témoign­er en sa faveur devant le juge lors d’un procès lié à un acte sur­réal­iste com­mis à seize ans…

Poète, con­teur, tra­duc­teur d’Oc­tavio Paz et du groupe Quila­payun, jour­nal­iste spé­cial­iste de chan­son française, Gérard Cléry s’est volon­taire­ment coupé du milieu lit­téraire parisien et inter­rompu toute pub­li­ca­tion pen­dant 23 ans. Mais heureuse­ment, Gérard Cléry est sor­ti de ce mutisme volon­taire en lit­téra­ture, en recom­mençant à pub­li­er en 1997, avec depuis sept titres, dont le plus récent “Roi nu(l)” date d’oc­to­bre 2015.

Dans la poésie de Gérard Cléry, “il y a du ciel à gorge déployée”, la volon­té de rester lucide face au monde envi­ron­nant “je me sen­tais coupable du poids de ma civil­i­sa­tion”, “Ta bouche sur ma bouche / pour oubli­er que je gri­mace”. Dans ses poèmes pour rejoin­dre (écrire pour rejoin­dre, quel beau pro­gramme poé­tique! ) il pre­nait ce ton “tran­chant et pur comme un métal” juste­ment perçu par Charles Dobzyn­s­ki. Guy Allix lui, évoque une parole qui “donne en s’ef­façant”.

Influ­encé par des poètes comme Apol­li­naire, Elu­ard, Cen­drars, Guille­vic, Saint-John Perse ou Aimé Césaire, Gérard Cléry priv­ilégie une poésie comme un “grand saut dans l’homme” con­tre l’en­vahisse­ment d’une “poésie d’ameuble­ment” à laque­lle on prête une oreille distraite. 

Voici quelques extraits de l’an­tholo­gie qui clô­ture ce Par­cours, comme un rac­cour­ci dans une car­rière lit­téraire atyp­ique mais non dénuée d’intérêt : 

 

Dans Quo­ti­di­ennes, pre­mier ouvrage édité par P‑J Oswald en 1969, Gérard Cléry évoque sa mère 

 

je marche avec ton nom

avec tes lèvres

j’a­vance dans ton eau

 

 

en réal­ité j’a­vance dans ton ombre

si peu dans ta lumière

 

 

Dans Fontanelles du pré, pub­lié en 2005 (L’Ar­bre à paroles)

 

Il man­quera des jours pour
se par­faire à la solitude
chang­er de peau

il man­quera des jours pour édifier
en soi le paysage pour emporter l’odeur
la chaleur des murs

pour que sous la peau
se des­sine la carte

 

et le dernier ouvrage Roi nu(l), en 2015 (Librairie Galerie Racine, col­lec­tion Les Hommes sans Épaules )

 

allumer chaque soir le flam­beau de l’absence

faire le lit du vide vous nom­mer ne pas vous

nom­mer laiss­er brûler l’am­poule de

l’in­cer­ti­tude ne pas mon­ter la garde auprès du

télé­phone par­ler pour vous aux arbres du

jardin habiter cet espace impar­fait que parfois

vous désertez chercher votre main chercher 

votre ven­tre ne pas les chercher regarder

votre vis­age et se crev­er les yeux

et puis sourire comme font les aveugles

 

 

Une voix forte et un par­cours dis­cret, décou­vrez Gérard Cléry. Décou­vrez son Par­cours aux édi­tions Spered Gouez.

 

 

 

 

 

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