Les deux ampoukes du sablier
peu à peu se com­pren­nen
t

Fran­cis Ponge, L’Adolescente

 

 

Tu n’es de nulle part
avant qu’on ne t’écrive
avant que ton absence
ait avoué ses traces

 

Blessures sur la page
il ne faut que nos yeux
leur trace nous relie

Ecrire c’est t’écrire
grif­fer ton miroir
son indifférence

Nous sommes tous d’ici
nos fron­tières s’épousent
inexactes

L’autre est si dure­ment à part
et nous autres aimants
aiman­tés vers le doute

Ton ven­tre est de larmes
ce que j’ignore encore de toi
n’est qu’un lot d’apparences

J’avoue être irriguée
par mes larcins de lait

Ces bleus sur ta peau chéris-les
Aux anges mai­gres du savoir
le corps rétorque

Délivre les mots
délivre les morts
que les absents demeurent

Ne t’abrite pas du manque
lui seul est sagesse
Ce qu’on a appris dans les livres
est à jamais perdu

Fuir le cuiv­re et le bruit
comme la mer gémit
en s’approchant du sable

Ce n’est pas la route qui ment,
c’est le pas cadencé, et l’ordre
de ne compter que jusqu’à deux

Goutte à goutte grains de sable
vont silen­cieux ensemencer
un autre présent

Richesse des Babels de nos balbutiements
brindilles sans ambi­tion du ciel

Nue sous des yeux fermés
le ciel est
ici même

Plus rien n’est impeccable
aus­si plus rien n’est mal

Tout est imparfait
Tout à refaire

Alors au bout du doigt cette ecchy­mose d’encre
qui ne s’efface pas.

 

image_pdfimage_print