« Ma nature est tou­jours mythique et mys­tique ». L’américain Hen­ry David Thore­au (1817–1862) est surtout con­nu pour son Jour­nal et pour son réc­it de la vie dans les bois (Walden, 1854). Voilà un homme qui a pressen­ti les dégâts à venir de la civil­i­sa­tion indus­trielle et matéri­al­iste. Et qui, plus tard, inspir­era de nom­breux mou­ve­ments écol­o­gistes. Franc-tireur, mar­gin­al (comme on dit de quelqu’un qu’il vit « dans les marges »), il a fait de nom­breuses con­férences et rédigé des textes de toute nature.

On redé­cou­vre aujourd’hui l’un de ces textes, pub­lié en juil­let 1842 dans la revue tran­scen­den­tal­iste Dial. Le titre (His­toire naturelle du Mass­a­chu­setts) est un peu trompeur car Thore­au, au-delà de sa descrip­tion du monde végé­tal et ani­mal qui l’entoure, pro­pose en réal­ité une belle réflex­ion sur la place de l’homme dans l’univers. Et tout com­mence par un poème. « Tout au long de cette vie laborieuse/Il est des moments tein­tés de bleu/D’une beauté aus­si immac­ulée que la violette/Que l’anémone, quand le print­emps en jonche/Les méan­dres d’un ruis­seau, faisant mentir/La meilleure des philoso­phies qui ne vise/Qu’à con­sol­er l’homme de ses griefs ».

Poète, donc, jusqu’au bout des ongles,Thoreau se fond dans la nature. « L’épicéa, le hem­lock et le pin n’engendrent pas le dés­espoir », écrit-il. « La beauté des mouss­es ne peut s’apprécier que dans le recoin le plus sacré et le plus calme ».

Cette nature, il l’aime parce que « ce n’est pas dans la société qu’on trou­vera la san­té ». Il l’aime parce qu’elle délivre des leçons de sagesse : « Quel jour­nal  tien­nent le plaque­m­i­nier de Vir­ginie, le mar­ronnier et le fau­con aux ser­res acérées ? ». Il l’aime parce que c’est une école de vie. « Songez à l’influence insoupçon­née exer­cée par les fleurs, qui n’est pas moin­dre sur le can­ton­nier dans la prairie que sur la dame sous sa tonnelle ».

Plusieurs pas­sages de son texte sont à l’avenant. Vision pan­théiste d’une nature où pois­sons, oiseaux, insectes et quadrupèdes s’ébrouent pour le plus grand bon­heur des humains. Son petit traité de con­tem­pla­tion, ponc­tué de poèmes, nous ramène ain­si à des temps immé­mo­ri­aux, à l’époque du « bon sauvage » qui, à l’image des Peaux-rouges, se met­tait à l’écoute de l’enseignement de la nature.

Si Thore­au force le trait, c’est qu’il a en aver­sion un cer­tain monde dit civil­isé. S’il s’émerveille à la vue des huttes des onda­tras ou à la celle du vairon dans l’eau claire d’un ruis­seau, c’est qu’il croit pro­fondé­ment à la capac­ité de la nature pour nous aider à « affron­ter toutes les vicis­si­tudes de l’existence ».

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