Avant
 

Mots cassés en désordre,
mots étonnés
éclatés…
Dans le blanc sillage
de l’écume,
ébou­rif­fé au soleil
de ta mémoire,
étés…vagues, lou­ves de fraîcheur
dans le fra­cas des forêts
et le mur­mure de gros poissons
d’une île inconnue,
lagune éblouie,
amour.

 

Aube
 

 

Mots crispés,
échevelés, éparpillés,
tor­turés, adorés
à rebours,
mots de la vie
ceux des amours
___

Rubis des mots
cen­dres de toi
braises,
dérisoire violence.
___

Mots pour toujours
som­bres opales,
qui ne sont pas
qui ne sont plus.
___

Et l’âme des jours – écume –
sec­oue sa chevelure tranquille.
___

 

Toi,
goé­land per­du de la lune,
ciel,
ciel des lèvres, de la langue
des mots
Où ?

___

Si l’aube gémit…
et
valse dans l’ombre
des chevaux indolents…
venelles
Bosphore.
haubans.
___

Tes paupières claires,
obliques murènes,
régates invisibles,
des océans fragiles.
 

 

Le cri
 

Le givre
ce matin,
sur le soleil
éclaboussé
de l’aube,
l’armure des cris,
l’acier des
mots

qui s’avancent
muets
dans la forêt du jour,
vers mes mains
qui attendent,
le cri de mes yeux,
dans la fourrure
de la nuit,
sur l’oiseau sauvage
mort ce matin,
et dont l’œil
soudain

est ce diamant
qui brille
à mon doigt,
givre égaré
étoile de lait
lus­trée de rêves,
___
 

qui va fondre
en cette eau
pure
au soleil
des nuits,
si lentement,
‑tel un cri qui
ne peut finir‑,
sur les plumes mortes
sur mes joues,
dans mon cœur
dans ton cœur,

pluie
transparente,
ou des larmes,
amères messagères
glacées,
mystérieuses,
scin­til­lant à jamais.

 

 

Le choeur

 

Si beau,
L’oiseau soudain…
Ten­dre,
La nuit de tes mains.

 

 

Prière
 

 

A l’oiseau triste
les prières muettes,
les bois rompus
des grands cerfs,
la forêt oubliée
les draps froissés
l’aurore de tes mots
le casque d’or
du silence.

Pour que la pluie
revienne,
_ Marie pleine de grâce,_
pour que la pierre
se lève,
_  je vous salue_
_ vous êtes bénie_
mes larmes
son âme
ma douceur
le ciel là-bas,
et sa marée
cassée de
de cail­loux gris,
opale de mes
nuits.

 

Le chœur

 

La vague est lente
L’attente est ardente
L’espérance vio­lente.
Cristal et velours.
Nuit d’encre de l’amour

 

 

Pierre Bourgeade
a disparu
le 12 mars 2009

Sa vie, ses paroles,
son œuvre
ont sus­cité ces textes
qui sont un hommage.

         Stéphanie Bourgeade

 

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