Il y a des jours comme ça
toute une foule dévitalisée
si grande dans sa misère
fonce tête baissée
salit les trot­toirs de la ville
arpente un devenir incertain
où bien des rêves sous ses pas
sont étranglés

 

Il y a des jours comme ca 
de nou­velles gar­nisons d’Ernest Pinard
condamnent
jugent
inten­tent des procès
comme en dix-huit cent cinquante-sept

Il y a des jours comme ça
les glam­ours grap­pil­lent la nour­ri­t­ure jetée à terre
man­gent dans les poubelles des supermarchés

 

Des Mad­off en liberté
qui assoient leurs hégé­monies par le facile
qui a le don de nous plaire ‑plaisir en catimini
bril­lant de tout son lustre-
où scie et rabot
se mon­trent ensem­ble pour amuser l’avenir

Il y a des jours comme ça
où nous aime­ri­ons bien voir
ce que l’autre voit
com­pren­dre ce qu’il dit
de ce qu’il entend
pourquoi il sourit
à ces mots-là
et pas à d’autres
et pourquoi soudain
il se tait
quand nous sommes là

 

Il y a des jours comme ça
un ado­les­cent abusé
la sil­hou­ette qui flotte dans un corps d’homme
marche comme une poupée cassée
glisse au milieu d’une foule
tel un mur­mure glacé
cherche un pays où l’on meurt
sans mensonge
regarde ses larmes tomber
comme des mots
par­le tout bas
bal­ance ses bras vers le ciel
puis tire

Il y a des jours comme ça
der­rière son éclat
une bougie pleure
dans son sang
coule un peu de cire
et beau­coup de mépris
que l’on ne voit
que trop tard

 

Il y a des jours comme ça
une sil­hou­ette qui se défait dans la brume terne de la
ville

Un chien promène son homme
près d’un hangar désaffecté
tombe sur un bambin
gisant sur le sol com­plète­ment dénudé

 

Il y a des jours comme ça
un cou­ple qui se regarde à peine
de peur de se tromper
leurs lèvres ne bougent pas
par peur d’effrayer
ils sont ailleurs dans des paysages
leurs esprits voguent sur d’autres mirages
ils sont telle­ment absents
que leurs corps se détachent puis
s’étranglent sous une cas­cade de pluie

Il y a des jours comme ça
les chômeurs passent leur temps
à desser­rer les chaînes de l’inhumaine condition
sur­vivent au brouillamini
où même avec leur sup­plé­ment d’âme
tout leur espoir s’affaisse
s’affaisse comme ces mineurs
qui vont dans les puits de charbon
igno­rant le dan­ger des parois
et le temps qu’ils passeront
à pin­cer leurs lèvres dans les profondeurs
sans être sûrs de remon­ter à la surface

 

Il y a des jours comme ça
des villes vouées à une vio­lence récurrente
ne tien­nent que par la rumeur des pastiches
des bruits en vase clos
d’humanoïdes dont la réal­ité n’a pas la même constance
que leurs illu­sions amputées de leurs rêves

Il y a des jours comme ça
où on est en tête à tête
sans ailes
avec soi-même
dans une cham­bre sans échos
dans le car­ré des mots
qui dévoilent leur quo­ti­di­en de pierre
leur impuis­sance à dire l’indicible
à trac­er une ligne de démarcation
entre pal­abre et action.

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