Je me sou­viens… mal­gré ma mémoire infidèle :
L’herbe… Après : l’univers ! … Quelqu’un, là-bas, j’appelle.
Il me plai­sait ain­si, dans l’air, d’appeler loin…
Le thym embaume – et le soleil dort… dans le foin.

Et puis ? Quel rêve encor me vient du pre­mier âge ?
Le jardin – fam­i­liers m’étaient feuilles, visages…
Feuilles, vis­ages, seuls. Rien que feuil­lage, gens !
Bout de sen­tier : je ris ! S’en retenir ? Comment ?
Je cours, tête mêlée aux nuées, aux murmures.
 

Le souf­fle empli de ciel, l’œil – de hautes ramures !
Puis le ruis­seau, la digue où vont mes pas joyeux…
De si loin les enten­dre ! Un « si loin » merveilleux !
Retour à la mai­son par l’herbe où l’on gambade
Et l’escalier ravi d’un bruit de galopade !

La cham­bre débor­dant d’avrils, d’ardents juillets !
J’y traî­nais ce corps mien… Les lèvres j’appuyais
A la vit­re… Par­tir… vers rien – la transparence
Et sans lim­ite, à fond, sen­tir… cette existence.

 

dans Breuvages d’ombre (1936)
Tra­duc­tion de Roger Legras.

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