C’est cette ondu­la­tion qui soudain fait signe. Et le pas se sus­pend. Je mar­chais sans rien voir, le long de la route, au bord de l’ornière que juin a jau­nie. Quelque chose bouge à ma gauche, entre les mon­tagnes loin­taines et mes pas. Et le regard endor­mi s’anime, s’oriente autrement, glisse vers ce qu’il nég­ligeait, qui était là pour­tant et se man­i­feste à peine davan­tage, sus­cite cette éclo­sion légère à l’intérieur de soi. C’est ample et lent et doux comme une toile, un drap de lumière blonde sur une prairie qui va séchant. Un souf­fle de lumière qui court sur les épis avec les mots qui ne se posent, restent incer­tains : blé orge sei­gle sont emportés. Ne but­tant pas même sur des bottes épars­es, déjà roulées : de la lumière amassée où passe un souffle.

Juin

 

 

 

 

 

 

     La pluie, exces­sive cet été, use nos forces, insis­tante comme un mal qui veut son temps et son lieu – des amis sont dans la peine, la mai­son, où les bruits de l’été se sont éloignés, à demi refer­mée, je les imag­ine dans l’abri de leurs bras, elle som­nole assise près d’une fenêtre, lui la regarde, s’il voit la pluie ? mais pas le livre ouvert sur ses genoux – on, mélan­col­ique­ment, regarde les grains – la pluie crépi­tante, ses mil­liers de pieds petits intem­pes­tifs, mil­liers de doigts d’eau frap­pant leur tam­bourin hos­tile – je l’écoutais cette nuit, et lui, éveil­lé, l’écoutait-il aus­si, la pluie si proche sur le jardin, presque là, entr­erait dans la cham­bre s’il ne veil­lait, atten­tif au souf­fle de l’aimée dolente – la pluie, déchirante.

 

25–26 août 2014

 

 

 

 

 

 

     Une fougère est venue sur le chêne, petites mains bat­tantes à pal­piter con­tre le grand corps où monte aus­si un lierre, elles empêcheraient l’étouffeur, crispant leur mai­gre chair sur le vieux torse.
     Sur ce chemin où vont mes pas de peine, les incer­taines paroles de l’eau à ce point où le tor­rent vient rebondir.
    Dans les ramilles que l’été désèche déjà, le vieux tronc offre à la pluie au vent ses gross­es branch­es comme noueuses épaules.
     Haute silen­cieuse une corneille par deux fois tra­verse la faïence craque­lée pâle du ciel.

 

août 2014

 

 

 

 

 

 

 

     Dans la buée fine qui sert de lumière au matin, à la nuit du matin, deux chevreuils soudain sur le bas du jardin, tran­quilles, pru­dents. Les maïs lais­sent peu de place à leurs pas mais leur offrent aus­si des nids, j’en ai vu le berceau, chaud de leur fuite, entre des bois et des épis fauchés. Corps clairs con­tre les tiges hautes, légers. Et tout aus­si soudains, ils dis­parais­sent. Ils ne s’enfoncent pas dans les plants, mais, comme les fées, ils s’évaporent à la lisière.

 

13 sep­tem­bre 2014

 

 

 

 

 

     Moinil­lons fur­tifs et agités sur l’herbe ras ton­due. Une déban­dade. Une récréa­tion irrégulière. Et, comme d’une soutane soulevée, les ailes à ras du sol vont à peine plus loin vol­er leur fes­tin de larves. Bien nom­breux ce matin. Arrêt soudain. Piqué. Se croisent sans salu­ta­tion. L’heure est au butin. Cha­cun pour soi.
     Un radi­an de lumière sur les maïs plus chauds, et il n’y a plus per­son­ne. Le rouge-gorge a‑t-il son­né le rap­pel ? Le soleil allume d’un coup les petites lam­pes de l’abutilon. J’entends cra­que­ter le papi­er sec des maïs.

 

28 sep­tem­bre 2014

 

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