Irène Dubœuf, Palpable en un baiser

Par |2023-10-06T05:21:31+02:00 6 octobre 2023|Catégories : Critiques, Irène Duboeuf|

Ces vers d’Irène Dubœuf sont d’une extrême élé­gance, avec un sens aigu de l’émotion et de la nature, dans une étroite union entre matériel et immatériel :

 

 

En retrait du monde
dans des jours indociles
que rien ne vient éteindre
pas même la nuit
chaque chose se mesure à sa lenteur.

Irène Dubœuf, Pal­pa­ble en un bais­er, Édi­tions du Cygne, 2023, 60 pages — 10,00 €.

Les trames du sen­si­ble et du men­tal se fondent dans des images flu­ides, mou­vantes et con­trastées prenant nais­sance dans la médi­ta­tion et le sou­venir, dans la thé­ma­tique de la présence et de l’abandon, de la présence dans l’abandon.

Dans l’oratoire secret
du poème
l’air brûle en silence
pas à pas
j’écris
au plus près de toi.

Sais-tu que la peau des mots
fris­sonne sous mes doigts ?

La matière même de l’amour, qui appa­raît en fil­igrane, prend une dimen­sion méta­physique : entre vis­i­ble et invis­i­ble, pos­ses­sion et dépos­ses­sion, être et néant, car­ac­téris­tique de la tra­di­tion lit­téraire du pays d’appartenance.

Dans nos montagnes
le print­emps ne fleu­rit qu’en été
les jours passent
envelop­pant le temps de pétales de roses.

Ici on a passé un pacte avec la terre.
En échange, elle laisse entrevoir
le vis­age des choses.

À la matéri­al­ité de ce qui est ter­restre vient s’unir le souf­fle ardant du silence, comme un renou­veau rilkien, des choses et de l’humain au sein même des images. De même appa­raît claire­ment l’usage des tem­po­ral­ités, lesquelles, dans leur strat­i­fi­ca­tion, con­fèrent un car­ac­tère d’absolu à la péren­nité des affects, une péren­nité qui prend vie dans la dimen­sion char­nelle de l’image, écho, comme chez Hölder­lin et chez Rilke, de la poésie comme un « dire-vrai » et le fonde­ment de la réal­ité, s’opposant à la stéril­ité du sno­bisme et des on-dit. Et enfin “Vivre” :

Sub­stantiel, le rêve,
diaphane et léger comme la brume
au bord des fleuves
dans les mains de l’hiver,
car rêver
c’est vivre sans rien posséder
aimer
dans la clameur du silence.

 

Tra­duc­tion de l’italien par Irène Dubœuf.

Présentation de l’auteur

Irène Duboeuf

Textes

Irène Duboeuf, native de Saint-Eti­enne, vit depuis 2022 dans la Drôme, près de Valence. Elle est l’auteure des recueils Le pas de l’ombre, Encres vives, 2008, La trace silen­cieuse, Voix d’encre, 2010 (prix Marie Noël, Georges Riguet et Amélie Murat 2011), Trip­tyque de l’aube, Voix d’encre, 2013 (Grand prix de poésie de la ville de Béziers), Roma, Encres vives, 2015,  Cen­dre lis­sée de vent, Unic­ité, 2017 (final­iste du prix des Trou­vères), Bor­ds de Loire, livre pau­vre col­lec­tion Daniel Leuw­ers 2019, Efface­ment des seuils, Unic­ité, 2019, Vol­can, livre pau­vre col­lec­tion Daniel Leuw­ers, 2019, Un rivage qui embrase le jour, édi­tions du Cygne, 2021, Pal­pa­ble en un bais­er, édi­tions du Cygne, 2023.

En tant que tra­duc­trice, elle a pub­lié Neige pen­sée, d’Amedeo Anel­li, Libre­ria Ticinum edi­tore, 2020, L’Alphabet du monde d’Amedeo Anel­li, Édi­tion du Cygne, 2020, Kranken­haus suivi de Car­net hol­landais et autres inédits, de Lui­gi Carotenu­to, Édi­tions du Cygne 2021, Hiver­nales et autres tem­péra­tures, d’Amedeo Anel­li, bilingue italien/français, Libre­ria Ticinum Edi­tore, 2022, Quatuors, d’Amedeo Anel­li, Libre­ria Ticinum Edi­tore, 2023, Des voix entourées de silence, Le Cygne, 2023. Ses tra­duc­tions de sept autres poètes ital­iens sont parues dans Babel, sta­ti di alter­azione, antholo­gie mul­ti­lingue d’Enzo Campi, Bertoni Edi­tore, 2022. Ses pro­pres poèmes sont traduits en ital­ien, espag­nol, arabe et chi­nois classique.

Site de l’auteure : https://irene-duboeuf.jimdofree.com

Poèmes choi­sis

Autres lec­tures

image_pdfimage_print
mm

Amadeo Anelli

Amedeo Anel­li­est un poète, philosophe et cri­tique d’art ital­ien. Né à S. Ste­fano Lodi­giano en 1956, il vit à Codog­no où il a fondé en 1991 la revue de philoso­phie et poésie KAMEN’, qu’il dirige ; il a pub­lié Quader­no per Maryn­ka (Milan, Pole­na, 1987), Con­tra­punc­tus (Falop­pio, Lieto­Colle, 2011) ain­si que des cat­a­logues d’art et de nom­breuses tra­duc­tions du russe. Neve pen­sa­ta (Mur­sia, 2017) est son dernier recueil. Il fig­ure égale­ment dans les antholo­gies  Poe­sia d’oggi. Un’antologia ital­ianade Pao­lo Feb­braro (Elliot) et Antolo­gia di poeti con­tem­po­ranei. Tradizioni e inno­vazione in Italia(Mursia) de Daniela Marcheschi.
Aller en haut