Entre poésie et fic­tion poé­tique J‑P Védrines aime les exer­ci­ces les plus périlleux. Il n’est donc pas absurde de voir son héros pass­er du statut de clown au cirque Romano à celui de funam­bule. Le poète trou­ve la par­faite sit­u­a­tion pour ren­dre l’au­then­tique pen­sée d’un temps de crise. Apparem­ment le texte sem­ble intimiste mais le héros sort de l’in­time pour rejoin­dre un univers d’équili­bre pré­caire. Ce n’est d’ailleurs plus lui qui est en péril (il est fort d’une tech­nique et d’une bonne fée Amour) mais ceux qui le regar­dent ou lisent sa traversée.

L’écri­t­ure  poé­tique de J‑P Védrines est comme son funam­bule : elle ignore les rhu­ma­tismes aux mains, aux pieds et aux reins. Son pas est assuré — pas n’im­porte quel pas. Dès lors elle comme lui offrent une ligne d’hori­zon que le com­mun des mor­tels ignore. A coup d’équili­bres périlleux le texte rejoint une paix (pro­vi­soire mais paix tout de même) tan­dis que son héros ailé attend  qu’une femme le rejoigne sans être trop pressé. Même si le bord de sa petite jupe pour­rait déploy­er des jambes de reine. Dès lors et si pour beau­coup la vie n’est qu’un imbroglio d’ac­crocs et de cou­tures,  le livre, par étapes fine­ment agencées, s’il croise le quo­ti­di­en n’y demeure pas vis­sé. Et on lève les yeux face aux exploits du funam­bule celui-ci  a peu le  loisir de con­tem­pler les regards intens­es qui se fix­ent sur lui.

L’art poé­tique nar­ratif est fait à la fois de con­tact et de dis­tance. Le nar­ra­teur est par son pro­pre art hors du monde et il ne rejoin­dra le sol qu’au bout du fil, en bout de course. Sauf bien sûr acci­dent. Si bien que le funam­bule fait de son bain d’air un bain de révélation.

Dans le livre les forces s’équili­brent sous le sceau d’une légèreté qui tranche avec le précé­dent  “Corps de Rim­baud, Car­net de Dja­mi” (Edi­tions Le Bruit des Autres, Limo­ges). Marcher sur un fil revient donc à faire que les choses se fassent sans sac­ri­fice. C’est aus­si faire que la vie s’use jusqu’à la corde au ser­vice des autres. Cer­tains, de leurs mains habiles, créent un meu­ble par­fait mais il arrive que solide­ment cam­pé sur ses pieds un funam­bule enseigne la douceur du geste juste et à l’amour des actes bien faits. Le funam­bule y aban­donne toute rou­tine. Fidèle à l’in­con­nu le temps est pour lui caressé par le vent d’un par­cours céleste. Preuve que la vérité d’ex­is­tence est un aller sim­ple, une pul­sion de vie, un signe de lib­erté vers un saut qualitatif.

 

 

 

 

 

 

 

 

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