À l’orée de cette courte lec­ture de l’édition établie et présen­tée par François-René Simon de Je suis par­fois cet homme, texte essen­tiel de Rodan­s­ki, je veux con­vi­er nos lecteurs à se reporter à ce très beau texte con­sacré par Christophe Dauphin au poète.

On saisira ici l’enjeu que représente le main­tien en lumière de la poésie de Rodan­s­ki, et l’importance qu’il y a à ce que des textes tels que Je suis par­fois cet homme repren­nent vie ici et maintenant.

Stanis­las Rodan­s­ki, je l’ai ren­con­tré en le lisant, dans les pro­longe­ments de mes préoc­cu­pa­tions sur­réal­istes de jeunesse, lorsque Sarane Alexan­dri­an me rejoignait à Brux­elles et que nous œuvri­ons de con­cert en faveur de quelques beautés (poé­tiques). Une autre époque. Je me sou­viens de ce que me dis­ait le vieux brig­and, puis de ce dossier qu’il con­coc­ta pour sa revue Supérieur Incon­nu. Rodan­s­ki est une fig­ure à la Jacques Vaché, un homme marchant en per­ma­nence sur le précipice. Bien sûr, il fut exclu du groupe en 1948, par Bre­ton, peu après qu’Alexandrian y entre. Ce qui n’empêcha du reste pas tout ce petit monde de demeur­er ami.

Ce vol­ume est mis en œuvre par François-René Simon, fort con­nais­seur de l’œuvre de Rodan­s­ki, dont nom­bre de travaux se trou­vent à la bib­lio­thèque Jacques Doucet. Simon a d’ailleurs organ­isé la rétro­spec­tive con­sacrée au poète, à Lyon, en 2012.

Qui a lu Rodan­s­ki sait qu’il y a quelque chose d’un Artaud en ce poète. A moins qu’il n’y ait du Rodan­s­ki en Artaud. C’est de cette stature-là dont nous par­lons. Du reste, comme Artaud, Rodan­s­ki a passé une par­tie de sa vie dans un asile, écrivant sur des car­nets. Il faut remerci­er les édi­tions Gal­li­mard de pub­li­er ce vol­ume de poèmes et de don­ner ain­si toute sa place à Rodan­s­ki, dans le panora­ma des prin­ci­paux poètes du siè­cle passé. En atten­dant que le même édi­teur se mette à (enfin) se pencher sur les prin­ci­paux poètes du temps présent.

La plu­part des textes com­posant cet ensem­ble sont inédits et ont été écrits entre 1946 et 1952. On y voit pass­er l’errance, la femme, la quête de l’être, le ques­tion­nement méta­physique, le cœur, les dif­férents élé­ments for­mant vie… Toutes les préoc­cu­pa­tions qui agi­taient l’homme/poète.

« Je suis à la recherche du mot de passe », écrivait-il.

Tout est dit en quelques mots.

Lire Rodan­s­ki, c’est ouvrir grandes les portes de l’énigme dans laque­lle nous sommes plongés :
 

  Alors que partout alen­tour, c’est la nuit alors que vous croyez
y voir la cam­pagne végétale
  alors que partout où vous croyez voir l’espace intérieur de
votre esprit prenant sa mesure, c’est la nuit.
  Alors que partout c’est la nuit, le roy­aume illu­soire de ce qui
n’existe pas.
  Oui, alors que la vérité est absente puisque tout [est] illusoire
jusqu’au dernier mot qui n’est pas.
  Puisqu’il n’y a rien, je refuse l’absence des choses, et je ne peux
rien pos­séder.
 

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