Jean-Marc Proust vient de pub­li­er aux édi­tions Rafael de Sur­tis L’Insurrection de l’Ordinaire. Cet ordi­naire qui s’insurge, par­don cet Ordi­naire majus­cule, se lit tout d’abord dans un bel objet, un ouvrage illus­tré de 6 encres de Joële Fontaine, relié d’un fil, cou­ver­ture mar­brée. Objet que l’on aime touch­er, caress­er, feuil­leter, sen­tir du bout des doigts tout en lisant, calmement.

Jean Renaud, dans sa pré­face, écrit que Jean-Marc Proust ne dit rien mais cite. Il par­le d’un recueil de mots, de phras­es, de slo­gans, et il est vrai que l’essentiel du texte se con­stitue d’emprunts à la log­or­rhée ambiante mise ici en avant, en exer­gue, en con­fronta­tion dans un savant collage.

Le poète, car il s’agit bien de poésie, par son tra­vail de choix, de coupe, de répéti­tion, d’insertion de mots pro­pres bien sûr aus­si, extrait de l’ordinaire, geste qu’il nomme insur­rec­tion, un regard sal­va­teur sur notre société, sur nous-mêmes. Sal­va­teur car prop­ice à la lucid­ité, à l’éveil des consciences !

Jouons donc son jeu ! Emprun­tons nous-aussi :

 

sou­tiens-gorge de ma mère bas nylon
frap­pé de sa baguette
et soudain ce prodige
d’homme qu’il était devint femme

un tas de chif­fons des ordures j’aurais voulu
voir com­ment on meurt avez-vous ajouté

 ils ont peur que l’eau chaude réduise
les effets de la muscu

 moi prési­dent de la république
je ne serai pas le chef de la majorité

LES PATRONS SONT LES LICENCIEURS
LES POLITICIENS A LEUR SERVICE

a gémi doucement
sa main blot­tie dans la mienne
une incroy­able tendresse 

 

Emprunt presque de hasard, mais très objec­tif aus­si que le mien ; emprunt fidèle à celui du poète qui remue, remue à grands mou­ve­ments comme si de l’informe Jean-Marc Proust sor­tait le cœur impur et pur des choses, comme si L’Insurrection de l’Ordinaire révélait à sa manière, brute en façade, l’exigence d’un œil de poète pour affirmer notre hon­nête lucidité.

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