Jean-Pierre Denis et sa célébra­tion des arbres

 

     Célébr­er les arbres. En faire les témoins (et les com­plices) de nos exis­tences. Reli­er, grâce à eux, la terre et le ciel. Les arbres n’en finis­sent pas d’interpeller les poètes. Arbres, soyez, titrait Anne Goyen dans un recueil pub­lié, en 2013, chez Ad Solem. Me voici forêt, s’exclame aujourd’hui Jean-Pierre Denis qui pub­lie, chez Le Passeur édi­teur, une véri­ta­ble ency­clopédie poé­tique de l’arbre (index à l’appui, de A comme Abri­coti­er à V comme Vergne)

     Son livre, il faut l’aborder comme le ferait un enfant dans un arbre, sautant allè­gre­ment de branche en branche, s’attardant sur les plus belles ramures pour goûter, de ce per­choir, la saveur de l’air et se met­tre à l’écoute des bruisse­ments du monde (et des bat­te­ments de son cœur). Aus­si ne doit-on pas s’étonner de décou­vrir ce poème dans cette ency­clopédie : « Les arbres de l’Evangile/Entendu enfant je n’ai retenu/Que Zachée descends/De ce syco­more me dit Jésus ».

 

     Les arbres de Jean-Pierre Denis sont mul­ti­ples. Ils sont dans la forêt pro­fonde mais aus­si à la lisière des champs, sur les talus, dans les bosquets, au bord des routes… Le poète ne méprise aucun lieu, aucun arbre. Il tra­verse avec eux les saisons. Il les envis­age aus­si au cœur du cos­mos. « Les arbres les étoiles/C’est de leur rencontre/Que naît vraiment/Chaque bourgeon ».

      L’auteur a choisi la forme du qua­train pour le dire. Il nous en livre plusieurs cen­taines (sou­vent aux allures d’aphorismes) dans un livre foi­son­nant qui nous fait, aus­si, vis­iter la France et le monde. En com­mençant par les Pyrénées où l’auteur a ses racines et où il a sans doute con­nu ses pre­miers arbres (du côté de Saint-Bertrand de Com­minges). « Dans mon pays/Où crève la grisaille/Il y a des palmiers/Malingres et qui rêvent ». De son incur­sion en Bre­tagne, il ramène ce qua­train de l’abbaye de Landéven­nec (en le dédi­ant au moine-poète Gilles Baudry). «Com­bi­en de voyages/Et je ne l’ai jamais quitté/Ce verg­er intérieur descendant/Doucement vers la laisse des marées ».

     On l’a com­pris. Péné­trant dans les forêts ou se frayant un chemin dans les sous-bois, Jean-Pierre Denis se met en quête de lui-même. « Les arbres j’attends d’eux/Le poème qui ne vient pas/Je l’attends comme en désert/L’ombre des mots me suf­fi­rait ». Posant la main sur l’écorce, il peut écrire : « Les arbres aux nœuds/Cachés nous confions/La dure énigme/De notre cœur de bois ».

      Le poète le dit d’ailleurs lui-même en présen­tant ce livre « démesuré » qui n’était, au départ, qu’un sim­ple car­net de notes. En effet,  il n’hésite pas à par­ler,  d’une « forme d’autobiographie » et de « por­trait de l’auteur en verg­er aban­don­né, en canopée, en branche nue ». Aus­si peut-il faire un rêve, et nous avec lui : « Vivre un jour/De l’intérieur le déploiement/Lent du bour­geon voilà/Tout ce que je voudrais ».

 

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