J’étais avec ma sœur et je n’ai pas
par­lé de toi
trois heures durant sur la véranda
nous sommes restées assis­es dans de larges
fau­teuils de l’époque tsariste après l’orage
les rideaux flottaient
la cou­ver­ture rêche me cha­touil­lait les pieds
et je ne par­lais pas de toi
com­bi­en de temps peut-on ain­si tout seul en silence
sen­tir penser se sou­venir et savourer
n’est-ce pas comme une ivresse solitaire ?
les rideaux bougeaient
le papyrus était en fleurs
déli­cat sans mesure
ma sœur sait com­ment arroser les plantes
elle aurait su peut-être aussi
refroidir mon
cœur embrasé
mais je ne lui ai pas raconté
nos danses
ni l’air du soir qui nous berçait
au long des rues fleuries
j’ai seule­ment dit
que j’avais acheté des chaussures
pour trois couronnes
et qu’elles étaient si légères
si veloutées
que je ne porterais plus qu’elles désormais
mais de toi je n’ai pas parlé

 

(Luigelu­ulinn, 2004)

Traduit de l’estonien par Antoine Chalvin
 

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