Le titre du recueil, Jour, pour­rait faire croire que cette fois, le poète a con­vo­qué la lumière. Mais c’est dans la nuit que nous pénétrons.

 

[…] le matin
est une écaille de temps
égarée
dans le noir.
 

Celui qui tra­verse la nuit cherche cette écaille dans son passé. Comme sou­vent, la poésie de Jean-Jacques Marim­bert prend sa source dans les sou­venirs. Il est ques­tion ici de sou­venirs de la femme aimée. Ils sont fugaces : une parole, un regard. Celui qui se sou­vient erre dans les rues, s’assoit sur un banc, mais ce sont les méan­dres de sa mémoire qu’il arpente. Il rêve aussi.

 

Je décidai de me lever
et de courir vers elle,
de l’emmener,
au fond des criques,
loin de nous sous les mers

 

S’il sem­ble empêché de vivre dans le présent, son regard bute sur des êtres bien réels : un homme couché sur le sol, con­tre un mur, un oiseau sautil­lant – l’inerte et le vif. L’homme couché est-il un miroir ten­du ? L’oiseau, lui, parce que tou­jours prêt à pren­dre son envol, ressem­blerait davan­tage à la femme dis­parue. Mais ce sont peut-être plutôt les deux ver­sants de toute intéri­or­ité. L’homme errant dit d’ailleurs : je guette / bec béant une image / de toi de moi. 

La chas­se au sou­venir l’amène à chem­iner aus­si par-delà sa pro­pre his­toire : il se sou­vient des enfants d’Amérique des années trente.

Les deux derniers textes du recueil nous font sor­tir de la nuit. L’envol des mou­ettes, le départ d’un car­go, le vent et la lumière per­me­t­tent à l’homme de repren­dre con­tact avec le monde et ses promess­es. L’horizon s’ouvre.

Les poèmes de Jean-Jacques Marim­bert sont précédés d’une très belle pré­face d’Anna de Sandre.

 

       Poème :

 

Au pied du mur d’enceinte
tourné vers les pierres
il a jeté son corps.
Une tache de lumière glisse sur
ses épaules.
Il dort par à‑coups au hasard des apnées,
boulet dans un som­meil gluant.
La mer souf­fle et murmure.
Soudain mû par une lame,
hir­sute il resurgit
hap­pant l’air
à grands traits, la gorge
lacérée par le feu
des étoiles.
 

Je le vois.
Il lance des regards comme aux chiens
des cailloux.

Poème extrait de Jour, Édi­tions Les Car­nets du Dessert de Lune, 2013.

 

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