Au pied de la croix,
Je tressaille
Je sens soudaine­ment toute la lour­deur du corps
Sur le point de se décrocher
Et de tomber molle­ment dans mes bras
Un corps froid par le reflet bleuté de la mort
Un corps chaud par la pléni­tude des chairs
Je vois la peau diaphane, les veines par transparence
Et, sur le vis­age, un voile légère­ment cireux
Les paupières sont bais­sées sans être closes
Dans le col­lier de barbe sombre
La bouche est entrouverte

De cette bouche entrouverte
Peut-être une ultime parole tombera

Je ne sais si c’est le Christ
Mais ce bel homme est mort il y a une heure à peine

Je ne sais si c’est le Christ
L’artiste joue un jeu complexe
Un dédou­ble­ment étrange
Les traits de pinceau rouge fig­urent les traits de pinceau rouge
Et non une traînée de sang
Tan­dis qu’on voit les veines et les artères
Et non un trait de pinceau bleu
Les attrib­uts con­ven­tion­nels du Christ
Sont représen­tés de manière théâtrale
Comme si le sculp­teur Maître Paul de Levoca
S’était dit :
« Je crée cet être et il sera ce que les hommes en feront »

 

(ver­sion remaniée d’un poème paru dans la revue Coup de Soleil)
 

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