Ah ! La bonne nou­velle. Le prix Nobel de lit­téra­ture a été attribué à un poète. Et (« cerise sur le gâteau ») à quelqu’un qui, au sein de son abon­dante pro­duc­tion lit­téraire, pub­lie des haïkus. Le Sué­dois Tomas Tranströmer (80 ans), poète con­tem­po­rain le plus traduit au monde, rédi­ge en effet ces poèmes courts de trois vers, d’origine japon­aise, aujourd’hui large­ment mon­di­al­isés. Sous le titre La grande énigme, Le Cas­tor astral réédite 45 de ses haïkus, adap­tés du Sué­dois par Jacques Outin.

     On y trou­ve tout ce qui fait la spé­ci­ficité et la force du haïku : la sen­si­bil­ité, l’émotion, la sur­prise, le frémisse­ment, l’ouverture aux « fig­ures » du dehors…
                       Fre­donne dans la brume.
                       Au loin un bateau de pêche –
                       trophée sur l’eau.

     Dans une lumineuse pré­face au recueil, Petr Kral, par­le, à juste titre, de cette « écoute impar­tiale » du monde qui car­ac­térise le haïku de Tranströmer, comme ici :
                       Ombres rampantes…
                       nous sommes per­dus dans la forêt
                      dans le clan des morilles.

      ou encore là :
                        La mer est un mur.
                       J’entends crier les mouettes –
                       elles nous font signe.

     Mais il y a aus­si, chez Tomas Tranströmer, comme chez tout poète qui mérite ce nom, une atten­tion au mys­tère, une attente de la révéla­tion. Jusqu’à point­er du doigt (mine de rien) l’énigme de l’existence. La grande énigme.
                       Quand l’heure vient
                        le vent aveugle
                        repose sur les façades.

     L’auteur sué­dois le dit sans pren­dre la pose du poète. Aucun exhi­bi­tion­nisme. Plutôt des haïkus à hau­teur d’homme — comme il sied au genre — dans cette célébra­tion quo­ti­di­enne de la nature, à l’écoute des signes qu’elle nous adresse. Au bord de la mer, en ville, dans la forêt…
                     Ces feuilles brunes
                     sont aus­si précieuses
                     que les man­u­scrits de la mer Morte.

    
     Bien vu, mon­sieur Tranströmer.
 

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