La Belle incon­nue  ou la Voix d’Orphée !

 

      Lorsqu’il s’exprime, Jean-Michel Maulpoix le fait à voix basse, soupe­sant et jaugeant les mots avec une sorte de respect, d’étonnement pour déjouer les chausse-trappes d’une pré­ten­due com­mu­ni­ca­tion érigée en mod­èle, ain­si son essai se présente d’emblée comme un poème de prose, dans son écri­t­ure comme dans son organ­i­sa­tion, et se con­stru­it comme une galerie de por­traits qui choisit pour inspi­ra­tion la gra­cil­ité et la déli­catesse de l’existence, l’écrivain préférant l’enchantement secret et les chants silen­cieux, mais en mode majeur. Les mots de Maulpoix cro­quent des éclats de musique, col­lec­tant des éclats de beauté, des éclats sub­tile­ment retis­sés, que vient nour­rir l’ombre des mots tan­dis que la mélodie des âmes essaime des ter­ri­toires poé­tiques en les nouant les uns aux autres, et cela, afin d’offrir l’exaltante pluie ryth­mique de son style pro­pre à tran­scen­der l’exercice cri­tique. Une res­pi­ra­tion entre puis sort par les phras­es ain­si dis­posées et l’ensemble crée un mou­ve­ment véri­ta­ble du souf­fle puisque tout peut être enten­du comme une lec­ture à haute voix. La justesse de ton est telle que l’essai entrelace oral­ité et pas­sion, frag­ments et unités, sac­cades et flu­id­ité, afin de dévers­er une réflex­ion tout en bal­ance­ments lyriques et cadences pal­pa­bles. Maulpoix lance assuré­ment un regard juste sur un monde de con­tra­dic­tions grâce au charme de fig­ures visuelles et sonores, le poète est habité par le ruis­selle­ment sen­si­ble de son sujet, tan­tôt heurté de bleus à l’âme, tan­tôt flu­ide comme le chu­chote­ment des songes, lais­sant éclore, à son rythme, l’image sal­va­trice de la musique. Et cette par­ti­tion, éraflant ou apaisant le cœur d’un même élan, provoque, chez le lecteur la sen­sa­tion de tenir, dans la paume de ses mains, des bribes de vie tant la sen­si­bil­ité n’est jamais bridée par l’analyse cepen­dant omniprésente.

 

   En effet, la man­i­fes­ta­tion lit­téraire qu’admire le plus l’auteur, nous le savons, est celle du mys­tère lyrique de l’écriture ou, plus pré­cisé­ment, ce faire-corps avec la langue qu’est la musi­cal­ité, aus­si les écri­t­ures tra­ver­sées de Baude­laire, Rim­baud, Rilke, Proust, Mal­lar­mé, Valéry, Claudel, Bon­nefoy, Jac­cot­tet (pour ne citer qu’eux !) s’apparentent alors à une sorte de transe qui, comme l’étymologie l’indique, fait effectuer à l’initié non pas un bond en avant, mais un néces­saire bon en arrière de soi-même. La suite d’exemples étudiés, à l’instar de micro-fic­tions,  lutte donc con­tre le lan­gage col­lec­tif qui ment et trompe, s’érige con­tre l’absence de porosité entre le réel et l’imaginaire, refuse le cli­vage entre le lyrisme intérieur et celui du monde. Seule la Voix sem­ble appartenir à un Verbe qu’elle rompt tout en recher­chant à la fois l’affinement de l’écoute et une forme de lit­téra­ture unique­ment ten­due  vers la musique, faisant ain­si sienne les ver­tus ensor­ce­lantes ou exta­tiques des mélodies les plus secrètes : « N’étant nulle part, la musique est trans­port, souf­fle, fièvre, émo­tion de voix » (p 39).

       De cette façon, toute parole, cher­chant à join­dre quelque chose qui s’échappe, sem­ble incom­plète sans la musique orig­inelle, tout lecteur qui se plonge dans l’essai de Maulpoix doit se faire à l’évidence, celui-ci n’écrit pas d’abord avec sa main ou avec son esprit, mais comme un com­pos­i­teur, avec son oreille. Il guette d’ailleurs ses auteurs fétich­es comme un musi­cien, doué d’une forme d’oreille d’absolue qui l’autorise à enten­dre des voix fluettes, chu­chotantes, pro­fondé­ment oniriques comme les voix les plus toni­tru­antes, tapageuses ou écla­tantes de désirs,  toutes celles  qui révè­lent sous une musique l’hors-commun du langage.

    Voilà pourquoi, Maulpoix débusque l’élément vocal dans l’usage que les écrivains peu­vent faire de la langue, les mots qui sont ici pronon­cés aiment la masse des voix, ces voix qui créent un sen­ti­ment d’une insol­u­ble étrangeté parce que celles-ci nous vien­nent de l’au-delà, non du roy­aume des morts, mais d’un au-delà de nous-même, du fin fond d’une musique antérieure à tout lan­gage, et l’auteur cherche à retrou­ver ce stade de l’ouïr spécu­laire qui fonc­tionne comme une entre­prise de désub­jec­ti­va­tion ; par con­séquent, le cri­tique s’essaye sur la musique d’autrui afin de se décou­vrir mul­ti­ple, pour exhumer en lui, à chaque lec­ture, de nou­velles voix, ce son étant lui-même un rêve qui fait venir dans le corps d’autres corps que le sien. En fait, pour Maulpoix, l’écriture poé­tique est fasci­nante et périlleuse parce qu’elle est du lan­gage fait corps, de la voix incor­porée ou plutôt incar­née. Faire ain­si par­ler la musique, c’est faire par­ler l’oreille, c’est s’approprier un silence mis en mots. Pour toutes ces raisons, le poète-cri­tique recherche et revendique le mod­èle d’écrivains-musiciens, ses seuls véri­ta­bles men­tors. Il cherche dans les mots de tel ou tel un sub­sti­tut de la voix humaine, mais si les musi­ciens désirent s’affranchir de la voix brisée par la mue dans le chant et la voix de basse, les poètes, eux, s’enracinent dans la déchirure du lan­gage. En ce sens, l’évocation inau­gu­rale « du blanc sur blanc » n’est donc pas inno­cente, elle dit l’impérieuse néces­sité d’affûter le lan­gage pour lui con­fér­er le pou­voir envoû­tant d’une musique, pour être à même de dire et pour accéder au pou­voir de nom­mer. Il faut se taire, refuser de par­ler, accepter d’écouter afin de percevoir les con­ver­sa­tions qui lézardent le silence et rede­venir un Infans :  « je rêve par­fois d’une écri­t­ure autre ( …) une écri­t­ure de pas sur la neige, traces à peine, blanc sur blanc, et qu’aurait lais­sée, plutôt que le labeur des signes, la course légère ou le pas­sage pesant d’un corps, sa pré­cip­i­ta­tion enfan­tine ou sa vieille fatigue, comme dans un lit d’empreinte de son insom­nie ou de son som­meil et celle, plus invis­i­ble encore, de ses rêves  » (p13) .

N’a‑t-on pas sou­vent écrit que la com­po­si­tion de la musique et que l’attrait qu’elle exerce repo­saient pour une part sur la quête sans terme au fond de soi d’une voix per­due, voire d’un songe ? En défini­tive, Maulpoix par­le peu, déplaçant l’harmonie de ses mots dans ceux d’autrui, d’abord parce qu’il sait que le lan­gage n’a rien de naturel et que la perte le guette, et parce qu’échanger, c’est bien sou­vent appren­dre à se taire. Si c’est autant sa voix pen­sante que sa voix par­lante qu’on entend dans ce sin­guli­er essai, il fau­dra se con­tenter de déchiffr­er comme on déchiffre la musique, et même si l’écrivain com­pose ses cadres, éclaire ses espaces, maitrise son découpage avec une inspi­ra­tion con­stante, qui l’autorise à tous les excès formels du frag­ment, jamais la poly­phonie à l’œuvre ne nuit à la net­teté du pro­pos. En effet, les images qu’il nous mon­tre, les rup­tures de tons qu’il sait orchestr­er, les change­ments de points de vue qu’il nous pro­pose, sans jamais con­tredire l’unité de sa réflex­ion, sont en pleine har­monie avec le thème prin­ci­pal qu’il développe. Le jeu de pistes se pour­suit jusqu’à l’infini, l’œuvre musi­cale reste pro­fondé­ment énig­ma­tique tout en affichant son aveuglante clarté, l’émotion pro­fonde que cet essai sus­cite n’étant pas étranger au para­doxe du lyrisme dont Maulpoix sait fait porte-voix ; soulignons égale­ment la sim­plic­ité avec laque­lle tant de beauté nous est présen­tée, le Poète, par un ingénieux sys­tème d’échos et de ren­vois, de clés musi­cales, boucle toutes ses boucles…..jusqu’à la voix des pro­fondeurs, celle des orig­ines. Transparait davan­tage alors une Sen­si­bil­ité qui laisse jail­lir une musique, nous plaçant au cœur de l’être, à l’intérieur de cette mem­brane pour­pre qui métapho­rise l’âme des écrivains : « Le poète, volon­tiers, par­le tout seul. Il s’adresse aux arbres, aux morts, aux dieux. Autant dire à per­son­ne. (…). Il est avant tout une voix. Tel Orphée, une « belle voix ». (p69)

    Maulpoix dévoile ain­si le monde intérieur de ces poètes ani­més par la musique qui hante leurs mots comme une veine fan­tas­tique dans laque­lle la vie se dédou­ble, dans un art qui lui-même boule­verse l’existence, trans­forme les dis­cours en ombres, en esprits, en spec­tres. Le fan­tôme que porte en eux les poètes nait de cette musique incon­nue, il appa­rait comme une ombre chi­noise, comme si une voix off tenue par un instru­ment se sub­sti­tu­ait aus­si bien à leurs corps qu’au corps des mots, ces cor­re­spon­dances font des textes cités, le pré-texte et l’objet d’une séduc­tion atem­porelle. Il s’agit d’une façon de réin­scrire dans le présent une parole orig­inelle, de mari­er l’illustre et le minus­cule, de voy­ager dans des con­trées ensom­meil­lées du sou­venir, celles des eaux de l’endormissement et du rêve, celles qui font du poète un regard qui se remé­more et qui voit s’épanouir un poème dans l’eau trou­blée de ses songes. Cette musique seule per­met aus­si l’entrelacement de sou­venirs de lec­tures et de sou­venirs intimes, l’attachement de mots et mer­veilles, rap­a­tri­ant l’invisible dans le vis­i­ble, le loin­tain dans le proche et le pro­fond à la sur­face ; l’essai relève à son tour d’une alchimie sans acces­soire, il suf­fit de pren­dre con­science de la fécon­dité des analo­gies ou des secrètes cor­re­spon­dances qui unis­sent la musique et l’écriture pour que les tour­bil­lons de la ressem­blance nous entrainent dans le dou­ble fond de la Mémoire.

 

    La voix de Maulpoix est, à l’instar de Baude­laire, « la  voix affaib­lie d’un  blessé qu’on oublie (…) une voix qui ne s’impose pas mais qui implore, égarée au milieu de voix rêveuses (…) , elle ne peut que rêver de loin à la musique, art suprême qui « creuse le ciel », comme à un par­adis per­du» (p 61) ; elle est une voix frag­men­taire dans une vaste mer, cher­chant à tra­vers la nuit des éclats de lumière, une mélodie par vagues, vague écras­ante et vague à l’âme, qui, en s’emballant, s’échoue autant en points d’interrogations que de sus­pen­sion. Le Chant impos­si­ble reprend, dès lors, sa fonc­tion pre­mière, celui d’une musique qui ne prend forme que dans la perte. C’est cette jonc­tion d’Eros et de Thanatos qu’il faut com­pren­dre au sein des textes, ce pou­voir à la fois de créa­tion et de perdi­tion mor­tifère que l’œuvre pose à chaque chapitre. Maulpoix veut remon­ter à la source de l’art musi­cal, voir ce qui se joue dedans, ce qui s’y cache, ce qui nous y attire, on retrou­ve là une véri­ta­ble fig­ure orphique, un rap­pel de la perte, et l’auteur rap­pelle alors que la  musique est véri­ta­ble­ment ce qui retranche du lan­gage et « ouvre en fin de compte au désir de vivre et de mourir » (p 80).  C’est pourquoi l’origine de la musique peut aller plus loin que l’origine du lan­gage, parce qu’elle lui préex­iste et qu’elle est, dans l’écriture poé­tique, ce que l’on pour­rait nom­mer une  « nudité sonore », ce qui reste caché au fond des mots, comme quelques sons et quelques gémisse­ments plus anciens, en un charme enfin retrou­vé,  un  « souf­fle autour du rien ». (Blan­chot, p 86)

 

 La parole s’appartient enfin chez Maulpoix quand la touche enfon­cée du sou­venir se remet à vibr­er, ce qui d’un sens peut pass­er dans un autre, ou encore ce qui nous emporte dans le ver­tige d’un chant investi de désirs ou dans une parole ironique qui dis­sipe les illu­sions, en don­nant à voir le déploiement de l’imaginaire à par­tir du réel, en mon­trant toute l’étrangeté du fam­i­li­er, en ouvrant la porte des cham­bres inter­dites. En effet, si cet essai s’efforce de clar­i­fi­er la par­en­té du geste musi­cal et du geste poé­tique, il ques­tionne égale­ment dans la pro­fondeur des traces les rela­tions respec­tives qu’entretient l’art musi­cal avec le lan­gage oral et avec l’écriture plurielle. Voilà l’ultime clé du rap­pel musi­cal que la réflex­ion éclaircit prompte­ment, en une cen­taine de pages : la musique ren­voie aux pre­miers per­cepts audi­tifs qui nous affectent alors même que nous ne sommes pas encore au monde, elle ramène à la sur­face de l’affect l’écho d’un vécu oublié pour­tant inou­bli­able, elle désigne enfin la place d’une perte que nous ne faisons que taire. Ain­si conçue la musique est liée à l’histoire de la voix, du lan­gage en nous, à toute l’histoire du sujet dans ses muta­tions, dans ses « mues » suc­ces­sives, matéri­al­isant l’absence et com­mé­morant le per­du. En même temps, si la Voix évoque un son élé­giaque ou fra­cas­sant parce qu’il est appel au silence, les poètes ne se mépren­nent-ils sur leur pro­pre silence ? Le cri­tique cherche juste­ment à héler jusque dans ce silence une voix qui précède, une voix le plus sou­vent morte, mais tou­jours sig­nifi­ante ; les poètes, et Maulpoix avec ou à tra­vers eux, cherchent à se dépren­dre de la « voix-loi », de la voix du logos qui dou­ble toute parole, les livres de Maulpoix, parus à ce jour, attes­tant d’ailleurs que la seule corde de rap­pel pos­si­ble n’est jamais qu’une corde de langue à laque­lle la musique donne voix, tous ses textes étant d’une sub­lime redon­dance, comme l’éternel retour d’une Présence. De même que toute musique cache un son étouf­fé, l’écriture de Maulpoix ramène et pro­tège la source naturelle, la nuit prim­i­tive, la part obscure et archaïque, le réel dans son inac­ces­si­bil­ité, comme l’indique le chem­ine­ment de la rêver­ie orig­i­nale de cet ouvrage. Effec­tive­ment, sans le sens implicite du son musi­cal, sans sa lamen­ta­tion ou son illu­mi­na­tion du per­du, sans la con­vo­ca­tion qua­si immé­di­ate de l’ici mys­térieux, sans l’émotion de la Mémoire, l’écriture poé­tique n’aurait peut-être pas trou­vé autant de réso­nances infinies ; Maulpoix, nous l’avons déjà souligné, tra­vaille à l’oreille, dans l’extrême silence, une très fine oreille sans volon­té arrêtée, sans pré­sup­posé idéologique, sans autre thèse que touch­er, sans autre espoir que retenir l’attention.

 

   C’est donc un livre étrange où plusieurs voix cohab­itent en surim­pres­sion, pour ne pas dire en super­po­si­tion, un livre où l’empilement des textes n’est pas une inter­pré­ta­tion unique plus ou moins obscure, mais au con­traire, une sorte de « démem­bre­ment », l’écriture s’écoutant en mille autres langue, langues qui par­fois se con­tre­dis­ent, jouent, s’égarent, choi­sis­sent, riment ou chantent, en défini­tive, révè­lent cette incon­nue qui hante l’essai. C’est la leçon de cette lec­ture-écri­t­ure, peu importe le fond, il est acquis, il est enten­du, peu importe aus­si l’aboutissement, le tra­vail à l’œuvre ici est d’ordre poé­tique, la réflex­ion ne pas­sant pas, mais lais­sant pass­er. L’objet du poète est-il de con­fin­er à l’ineffable ? À l’indicible ? Aux cris, aux vio­lentes déchirures des voix ? Aux souf­fles, aux bruits et mur­mures des âmes ? Pas for­cé­ment. Plutôt à la bouchée bée, au nuage de fumée qui l’hiver se fige dans l’air, un champ pour du non-mot, un espace délim­ité pour le vide : une présence de l’Absence. Alors quel univers de pro­fu­sion se déploie sous nos yeux? Quelle musique résonne sur la page ? Celle d’une écri­t­ure pro­pre à s’élancer dans les pro­fondeurs musi­cales des choses lues, dans leurs inces­santes méta­mor­phoses et ce qu’elles don­nent à enten­dre. Maulpoix con­voque des poètes pour qui le texte, ten­du et intem­porel, fait bruire la dés­espérance comme l’espérance : « La plume qui écrit est une espèce de flûte qui apprivoise un peu le monde. Et c’est ain­si seule­ment que mourir peut être sup­port­able… » (p 102)

    En somme, quiconque se penche sur cette œuvre, se doit de prêter l’oreille pour enten­dre mais aus­si être à l’écoute afin de mieux saisir les vibra­tions de l’être. Et si pos­er la ques­tion de l’inconnue n’est pas y répon­dre en total­ité, c’est déjà com­pren­dre la com­plex­ité que pose l’écriture poé­tique toute entière. En ce sens Maulpoix pro­pose, sans doute, la plus belle illus­tra­tion à ses recherch­es, quand l’essai prend les con­tours d’une par­ti­tion, la réflex­ion poé­tique appli­quant ce qui lie mots et musiques en une Voix étrangère. L’œuvre que pro­pose l’essayiste pose d’emblée un mys­tère et y répond seule­ment en par­tie, à tra­vers l’exemple réin­ven­té de la quête des orig­ines jusqu’au lyrisme expli­catif qui en épouse la forme, rap­pelant avant tout avec force et sub­til­ité qu’ « Il y a de la musique dans le soupir du roseau ; il y a de la musique dans le bouil­lon­nement du ruis­seau ; Il y a de la musique en toutes choses ». (Lord Byron). Les écrits de Maulpoix don­nent réelle­ment à enten­dre une parole poé­tique à la fois dilatée et ellip­tique, innervée par un ton et une voix unique, loin­taine et offerte, une voix qui trans­forme une lec­ture en expéri­ence audi­tive, le point de départ et d’arrivée de l’essai étant une into­na­tion à trou­ver autant qu’un silence à délivr­er. L’espace lit­téraire de Maulpoix est rem­pli de cette voix, espace com­pa­ra­ble à une cham­bre d’écho où la lit­téra­ture s’écouterait, touchant longue­ment l’oreille interne et l’esprit du lecteur. L’écrivain incar­ne aus­si les mul­ti­ples voix citées, elles pren­nent chair en lui, elles reten­tis­sent à tra­vers sa main, laque­lle devient un instru­ment de musique à la mélopée entê­tante. Et même si la poésie n’est par­fois qu’un filet de voix dans le tumulte du monde, il faut saluer ceux qui, comme Maulpoix, entre­ti­en­nent encore cet invis­i­ble foy­er de douceur amère, ceux qui suiv­ent en mots « la belle incon­nue qui s’éloigne », ceux qui enfin nour­ris­sent tou­jours ce phrasé énig­ma­tique et fasci­nant dont le secret échappe mais dont la magie reste. 

 

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