La nuit est entrée
mais qui donc vient avec elle
prolonger encore la folie des jours et poser d’autres oiseaux noirs sur nos fronts ?
La porte du bonheur
aigu et concentré de joie se referme
Vois-tu
on massacre nos rêves
Car voici la saison des bombes
on les ignorait dans leurs casernes
elles sont maintenant devenues les visiteuses
de chaque regard d’enfant
chaque soir
Vois-tu
on massacre nos rêves
La nuit est entrée
Mais qui encombre nos jours
ternit notre lumière ?
Cauchemar effrayant
ventrus
ils arrivent du fond des souvenirs
et leurs voix mettent déjà dans mon silence
des frémissements
Il faut que j’écarte ces intrus
qui me forcent à retourner sur mes pas
Mutilé
je guette
Ils reviennent
et la cloche du mariage
ne
sonne
plus
Vois-tu
on massacre nos rêves
Quel mot
quel poème pour qualifier la barbarie répétitive qui s’essouffle dans la vulgarité de la rue ?
Ils reviennent
raides
sous leurs habits
sur le
pays de tous les
ponts
Ils reviennent
ils reviennent en rangées
d’arrogance en garnisons de frayeurs
de fureurs
en stridences du monde
pour nous froisser les tympans
Vois-tu
on massacre nos rêves
Ils reviennent
ivres de haine
sans
visages
sans
….
insulter nos morts
Ils arrivent
affluant de partout
les masques de l’épouvante
ils poussent et en ce monde
ils marchent
comme de vulgaires hélices
pour ne pas tomber
Vois-tu
on massacre nos rêves
Ils arrivent
larguent à haute altitude
tirent à bout portant
et je perçois dans leurs nuits
les clairons de la déroute
qui font monter jusqu’à mes oreilles
les hurlements de chiens carnassiers
Vois-tu
on massacre nos rêves
Ils reviennent
ils arrivent de partout le
ciel est plein
d’eux la
mer et le
désert et dans leurs
poches que de morts à propager
Vois-tu
on massacre nos rêves
Ils se massent
et leurs cargos se confondent
avec les vagues monstres des sables
dans leurs danses mortuaires
Ils avancent
avancent vers le large qui se retire
ils viennent de partout
rugissant
la rage colossale au regard
le masque anthropomorphe
allure terrifiante
Vois-tu
on massacre nos rêves
Ils reviennent
avec les machines à décimer
et sur leurs visages
rien
pas même un
regard
ou un sentiment
mur
où l’on ne perçoit pas même
ce soulèvement faible de la poitrine
Vois-tu
on massacre nos rêves
Ils arrivent
marchent
dans le pays
d’Enuma Elish
pour quelques poignées de dollars
s’essuient les pattes sur le sable
exposent leurs obscénités
devant les corps
nus des prisonniers de droit commun
se laissent aller à toutes les perversions et même
ils croient encore que les pierres
dessinent leurs propres formes
Vois-tu
on massacre nos rêves