(extraits)

 

Tous les atom­es du monde exi­gent la liberté.
Je vous con­jure, mass­es pressées qui embrassez la terre,
alliance des tem­pêtes, toi le feu ! vous les eaux ! et vous tous
   les atomes
inté­grés dans les forces ten­dues ou dans la crois­sance de la vie,
et vous tous, élé­ments de lumière et de son, et vos alliés
océans super­posés d’atomes… Je vous en prie : ayez pitié de
   notre globe.
De même je con­jure la peste et la guerre et la femme
(tous les atom­es du monde exi­gent la liberté)
tous ceux qui peu­vent nuire à notre vie ter­restre : d’avoir pitié
du globe.

Cette planète à la croûte autre­fois si épaisse, engour­die de
som­meil et sourde
emplie de marais par­fumés, la tête lourde et bienheureuse,
la journée durait une semaine, le mois traî­nait comme une
année
et tous les gens avaient du temps, pour­tant les paresseux arrivaient les derniers.
Tout se trans­met plus vite à présent et le rythme en est perturbé,
un réseau vivant de paroles peut sans fil enser­rer notre sphère :
ce que l’homme d’Etat bri­tan­nique prononce dans son parlement
parvient aux villes d’Australie avant d’avoir atteint la salle.
Notre planète devient sen­si­ble, mince comme la bulle sur le point d’éclater.
J’ai peur qu’un jour elle ne s’éteigne, sur une seule parole magique,
for­mule de chimie qui exprimerait l’eau, un gaz, une matière
incon­nue, à la puis­sance inde­scriptible, comme une divinité.
Hélas, c’est la for­mule des for­mules ! Prends garde à ce que tu vois dans tes rets !
Je con­jure tout ani­mal, tout atome, de ne pas provo­quer la terre :
le ser­pent qui séduisit Eve, le cor­beau qui retint Elie,
l’aigle aux aguets des airs, les lions dans leurs cavernes,
la fleur de lotus sur le Gange, et l’éléphant, bon­heur de l’Inde,
por­tant Boud­dha si ten­drement, comme l’eau un lotus merveilleux,
le chameau du désert, vais­seau de l’Arabie qui por­ta le Prophète,
l’âne qui sur son dos en Egypte por­ta la mère de Dieu et son fils
et le poulain sous les palmiers, empor­tant le petit Messie,
(cour­siers peu imposants, c’est vrai… oui, mais qui ravis­sent le cœur).

 

Enfin je demande grâce à l’Agneau de Pâques, au poisson
Pour qu’ils ne dénon­cent pas notre globe trop haut, auprès de Dieu,
avant que nous n’ayons trou­vé la voie et prou­vé notre volonté :
il pour­rait le brûler ou bien le retir­er tout à fait du système.

Tous les atom­es du monde exi­gent la liberté,
toutes les nations veu­lent se bat­tre, tous les alliés se séparer.
et moi, atome sous le soleil, j’en appelle aux ter­res et aux
vagues.
Arbres, pier­res, métaux, oiseaux, êtres qui respirez,
courants au fond des mers et feu au sein des monts :
Si notre étoile peut se sauver, faites que nous nous abstenions
   de lui nuire.

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