Un bat­te­ment de cil à peine
Le cliquète­ment fugace d’un briquet
Et elle est là

-

Elle est là loin

-

Très loin de se laiss­er anéan­tir par le cyclone vorace
Des gens autour
Fumée chants cris les rires
Les crânes bar­bares furieuse­ment entre­choqués comme des verres

Tout cela main­tenant n’existe plus

-

Elle a con­sumé tout

Appa­rais­sant

Même l’horizon

-

Ou plutôt non

Dis­ons qu’apparaissant

Elle a ensommeillé

-

D’on ne sait où vrai­ment jaillie
Une eau se verse

Entre vous deux

Limpi­de­ment

Tes yeux
Vers elle
Y vont

Main­tenant

Lancer un voilier

-

Ce voili­er-là
Ses cils revêches
Ne l’accueillent pas avec douceur

Ce voili­er-là
Ses yeux de louve
Le déchirent même

Le déchiquè­tent

L’envoient som­br­er quelque part loin

Dans les tré­fonds d’obscurité du comp­toir lourd

-

Loin de te refroidir
Ce carnage-là
Je crois bien oui qu’on peut le dire

T’a attisé

A elle maintenant

-

A elle main­tenant d’aller jeter une pirogue
Subtile
Discrète

Presque en papier

Cette pirogue si pleine de grâce
Et déri­vant fragilement

A la sur­face muette des eaux

Tes yeux s’en bâfrent

Ani­male­ment

-

Vous voilà ain­si donc ren­dus au bord

-

Au bord exacte­ment de l’imprudence

-

Vous pou­vez par­faite­ment plonger
Maintenant

Plonger très fort

D’une tête une seule

Et désert­er l’attente

Vous pou­vez par­faite­ment aus­si rester

-

Loin­tains longtemps

De part et d’autre de cette eau

A l’explorer avidement

-

Egale­ment encore tout suicider
Bien sûr

Repren­dre vos yeux comme si de rien n’était
Et repartir

Main­tenant seuls

Seuls et rongés mag­nifique­ment par le fan­tôme d’un même regret

-

Mais ce serait mentir
Que dire cela

Dire que tous deux
A l’heure qu’il est

Avez encore le choix

-

L’instant s’est main­tenant gorgé de lave

Gorgé de lave jusqu’à craquer

-

Une sec­onde
Un siè­cle au moins

Que plus un seul de vos gestes ne dépend

Que plus une seule de vos pen­sées n’infléchit plus du tout
Le cours

-

Une sec­onde un siè­cle au moins que l’issue même de la nuit est arrimée

C’est tout

Seule­ment

Avant toute chose

Au mou­ve­ment ou non d’une planète

-

Loin­taine

-

Brûlante

-

Au bord d’entrer précisément
A cet instant

Avec une infinie lenteur

Silen­cieuse­ment

En com­bus­tion entre vos doigts

 

 

Joco­te­nan­go, Guatemala, le 15 juil­let 2010
 

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