Jean Mini­ac donne en son dernier livre un peu de lumière, à ceux qui en seraient pro­vi­soire­ment privés, sur la vie en poésie, le devenir, l’être poète et l’importance du lieu, ici perçu comme un lien, où s’écrit la poésie. De livre en livre, l’œuvre assoie sa force.

 

En se fiant à la pos­si­bil­ité d’écrire
 un poème
Près de la mer, on en oublie qu’on
 est vivant ; parce que la mer vit de
 notre vie cachée, elle se mêle
De tout ce qui n’est pas nous, et que
 nous peinons à rat­trap­er ; elle nous
 rêve
Dépouil­lés de notre ombre, et quand
 nous allons un matin
Près d’elle, nous y retrou­vons ces
 muets fantômes
Qu’elle a façon­nés ; alors à notre tour
 nous restons sans voix.

 

Hymne à la mer, ode à la nature. Plongée dans les méan­dres de l’être. Poésie : Le jour.

L’écriture d’une poésie face à la mer, cela s’écrit entre ciel et terre. Comme si le poème, mal­gré le solide des mots, venait se con­join­dre aux qua­tre élé­ments for­mant vie et frag­ments du réel. La poésie tis­serait alors la vêture de ce que nous vivons.

Les textes de Mini­ac par­lent ain­si de la mer, de son appel, mais aus­si des villes qui, comme les gens de mer, pren­nent le large, cepen­dant immo­biles, à l’image des falais­es. Transparaît une authen­tique valeur, intrin­sèque­ment liée à la mer en toutes les épo­ques : la fraternité.

La mort aus­si. Celle qui vient.

 

Un jour, je m’en souviens,
Un vieux voisin m’avait arrêté dans un chemin
  creux (on entendait la mer au loin)
Et dit : « Alors, tou­jours dans tes poésies ? »
D’un air d’aimable mépris. Je n’ai rien répondu.
  les vagues n’avaient pas encore lavé le corps
  de son fils
Qu’il allait tuer de cette façon.
C’est ver­tig­ineux, la vie. On aime, et armé de
  ce blanc-seing,
On pousse un enfant au suicide.

 

Un poème fort peu poli­tique­ment correct.

Et au fond, cette mer tou­jours là est aus­si la mère, l’absente qui demeure de loin en loin. Par delà les rivages.

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