Depuis longtemps Denise Borias est une observatrice attentive de la réalité, celle de la mer, celle de la terre et en exprime la beauté, en explore la symbolique. Depuis longtemps aussi elle s’attache à comprendre la marche du temps, à remettre au jour l’enfance. Le moment venu, son dernier recueil, composé de courts poèmes de trois à cinq vers dit cette attention au monde, cette interrogation sur la fin de toute existence. Le regard du poète ne cesse de se poser ici sur la mer qui fait l’objet de la première partie ou sur l’arbre dans la seconde partie. Denise Borias saisit les moindres mouvements de la mer, en rappelle les pouvoirs : « La mer, diamant turquoise, / ouvre mon corps / au bercement prodige / venu d’outre-monde ». Avec l’élément liquide, s’instaure une sorte d’anthropomorphisme qui le rend encore plus proche, plus sensible : « l’océan devient ce grondement aveugle / errant dans un corps trop vaste » , écrit Denise Borias. Aussi ne se lasse-t-elle pas de prendre exemple sur cette mer qui contient tous les secrets et les mystères du monde et de l’homme. A nous de comprendre quel message elle délivre et l’image du temps, la perspective de la disparition prochaine sont autant de perspectives qui n’effraient pas le poète : la sagesse du monde et particulièrement celle de la mer sont là pour nous faire accepter notre destinée. L’écriture sèche, mais non dénuée de sensibilité, affirme cette acceptation : « Sur le sable humide / l’empreinte de nos pas / bientôt effacée : / image de notre vie / sans la lassitude des jours ». Alors ne cessons pas de nous émerveiller en face de la beauté simple que nous offre le monde, soyons aptes à comprendre son message, même si nous ne parvenons pas à résoudre les mystères qui pèsent sur notre existence : « Qui avance vers nous / sur la ligne des eaux ? / Panaches éblouissants, / lettres à peine esquissées…/ Seul les perçoit, l’albatros / passeur de rêves ». Cette célébration de la mer donne tout son prix à la pensée de Denise Borias que la sagesse et la lucidité entraînent à une adhésion sans restriction à cet univers liquide : « Sans hâte ni violence / l’océan nous accueille, / nous, funambules de l’infini ».
La seconde partie : « Les chemins de l’arbre », est davantage tournée vers la quête de l’enfance, ce qu’exprime précisément Denise Borias : « Visages et ombres / au grenier de l’enfance, / tu reviens / vers le labyrinthe / dont tu avais perdu la clé ». Cette fois c’est l’élément terrestre qui constitue le socle de cette recherche, des réflexions du poète avec cette même écriture qui saisit la réalité quotidienne : « Sous les reflets du mélèze, / il y a place / pour les souvenirs heureux, / l’automne, / et ses châtaignes / au goût d’enfance » Tout au long de notre parcours terrestre, c’est à cette même nature qu’il faut faire confiance, rappelle Denise Borias, et que nous devons accepter l’instant, ne rien anticiper : « Imite les chemins de l’arbre, / depuis les racines aux saisons traversières, / le vacillement des premières feuilles, / ignorant la chute à venir ».
La brièveté de l’expression, la force des images, le message contenu fait de lucidité et d’espoir, caractérisent la poésie de Denise Borias sans cesse requise par un monde qui ne cesse de la questionner et qui lui renvoie l’image de notre existence.