Nous n’avons générale­ment aucune idée d’où nous vien­nent nos reli­gions, nos spir­i­tu­al­ités, et pire encore, nos mythes fondamentaux.

Voici env­i­ron un quart de siè­cle, s’appuyant sur ses décou­vertes en Mésopotamie, quelqu’un comme Jacques Cau­vin, d’après les thès­es d’Erich Neu­mann, avait cru pou­voir con­clure à une ado­ra­tion générale de la Magna Mater, et à la con­sid­érable révo­lu­tion qu’avait intro­duite le début du Néolithique, en faisant pass­er les humains du stade de chas­seurs-cueilleurs à celui d’agriculteurs, avec l’organisation con­comi­tante de « cités » et l’accaparement du pou­voir par les seuls hommes.

Or, voici que des décou­vertes en Asie mineure, et plus pré­cisé­ment en Ana­tolie, remet­tent plus ou moins en cause ce sché­ma. Klaus Schmidt, en effet, un archéo­logue alle­mand — ou plutôt, devrait-on dire, un « fouilleur pro­fes­sion­nel » — a fait venir à jour des ruines qui datent du moment où finit le paléolithique et où com­mence le néolithique qui va lui succéder.

Dans son livre, il retrace minu­tieuse­ment cette his­toire, en déci­dant qu’il s’agit là, à tra­vers ses piliers colos­saux en T, du pre­mier tem­ple con­nu de l’humanité. Ain­si, selon lui, le site de Göbek­li tepe, datant de mil­liers et de mil­liers d’années, serait le plus haut témoignage que nous pos­séde­ri­ons des croy­ances de nos ancêtres…

De fait, l’auteur, on s’en aperçoit en par­courant ses pages, est moins réti­cent qu’on ne pour­rait le croire aux thès­es de Cau­vin : il demande sim­ple­ment des cer­ti­tudes, et tient que toute inter­pré­ta­tion, quelle qu’elle soit, doit se jus­ti­fi­er par des traits démon­trés. Et il note à quel point les piliers de Göbek­li tepe sont « ornés » d’une pro­fu­sion d’animaux — comme si les humains qui les avaient « pen­sés » ne se con­ce­vaient que dans le cadre général de la Nature, et des êtres qu’ils y croi­saient, ou qu’ils y ren­con­traient, par­fois à leurs dépens. Comme l’écrit Jean Guilaine dans sa Pré­face, « c’est (…) l’une des forces de l’archéologie que de remet­tre péri­odique­ment en ques­tion nos cer­ti­tudes et de reculer tou­jours davan­tage dans le temps cer­tains des acquis matériels et intel­lectuels attribués à des péri­odes plus récentes. Tout pro­grès de la recherche sur ce plan nous con­traint à repenser sans cesse nos savoirs d’un moment. »

Bref, un livre à lire et à relire (on en tir­era les con­clu­sions que l’on veut), tant il nous apprend de choses sur nos loin­tains ancêtres et qu’il nous force à réfléchir sur la véri­ta­ble «muta­tion » que nous avons connue.

 

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