Lecture analytique d’un poème à caractère théorique : Disque de Jean Sénac

 

                                                       

                                                      Disque

            A Mohammed  Dib
            en sou­venir d’Aragon

 

            Le jeu des mots tourne la tête
           j’écris pour ignor­er le son
           de toutes les phras­es bien faites
           qui n’ont pas la couleur du sang
           j’écris pour inven­ter la fête
           qui nous sauvera de l’affront
           les mots heureux sont des mots bêtes
           j’écris sans rêve et sans raison.

           Quelle délivrance rachète
           le poids de mort dont nous vivons
          Quelle joie cou­vre la défaite
          pour s’épanouir à l’unisson
          la vie n’est plus mon­naie honnête
          qu’entre les mains des innocents
          pour cette nuit la gorge est prête 

          Je suis homme et je suis poète
         j’aime la chair et j’ai un nom
         ces vers au rythme doux m’embêtent
         je préfér­erais vivre sans
        ce démon secret qui m’inquiète
        et vous voyez j’écris pourtant
        ma vie ne sera pas discrète
        j’ai trop d’amour et d’ambition

        Le jeu des mots tourne la tête
       j’écris pour aimer le printemps
       le temps de mort et de tempête
       le temps noir comme le charbon
      le temps rose comme un bonbon
      le temps de vie le temps de fête
      mon disque tourne avec le temps
      les mots les plus vrais sont si bêtes
      qu’on les coute en souriant 

      Il fau­dra que je m’apprête
     à témoign­er de la passion
    des hommes francs et fiers qui mettent
    l’eau de l’espoir entre leurs dents
    il fau­dra bien écrire cette
    joie dont il dit à ses amants
    qu’elle soit limpi­de et parfaite
    j’y ajusterai ma chanson.

   

     « Disque » que l’on retrou­ve dans la par­tie « Poèmes divers » du recueil Pour une terre pos­si­ble… est situé par­mi plusieurs textes présen­tés dans un ordre chronologique qui va de 1948 à 1973. Inter­calé entre deux pièces datées de 1953, on ne sait pas si l’on doit con­sid­ér­er cette date comme sa date de com­po­si­tion. Ceci aiderait bien enten­du à com­pren­dre son his­toire et la fonc­tion pour laque­lle il a été conçu. Or, comme sa date d’écriture est incer­taine, on peut dire qu’il n’a peut-être pas été écrit à cette péri­ode de la vie du poète. Mais peu importe qu’il soit rédigé avant, pen­dant ou après la guerre d’Algérie, on sait bien que l’acte poé­tique de Jean Sénac n’est jamais sans rap­port avec sa reven­di­ca­tion iden­ti­taire pro­pre­ment algéri­enne même s’il n’en dit mot. Et c’est au nom de cette référence que se fera cette étude.  L’intérêt de Disque est donc dans son con­tenu qui le dis­tingue des autres textes qui appar­ti­en­nent au recueil. Si cette pièce mérite une atten­tion par­ti­c­ulière, c’est parce qu’elle développe une dimen­sion métapoé­tique, équiv­a­lente à celle qu’illustrent les traités théoriques. En effet, bien qu’il ne revendique pas explicite­ment la dénom­i­na­tion d’Art poé­tique, Disque décrit en faisant par­ler ses vers, les pré­ceptes et la final­ité de l’acte créa­teur dont Jean Sénac est trib­u­taire. En témoigne l’anaphore « j’écris…» ressas­sée tout au long du poème laque­lle sug­gère la volon­té man­i­feste de l’auteur à expos­er sa pro­pre con­cep­tion de la poésie. Il est vrai que sa poésie est loin d’être sim­ple et son goût lit­téraire sug­géré par la dédi­cace A Mohamed Dib, en sou­venir d’Aragon, qui cha­peaute le texte auquel on s’intéresse ici, révèle le poten­tiel her­mé­tique de son écri­t­ure. C’est le con­stat qu’il faut attach­er à ce poème dont cer­tains vers souf­frent d’un déficit de clarté.  Comme on peut s’y atten­dre, on ne peut pas espér­er offrir une lec­ture pré­cise d’un texte qui soulève quelques dif­fi­cultés de com­préhen­sion. Ceci dit, il ne s’agit pas au cours de cet arti­cle d’expliquer avec exac­ti­tude toutes les stro­phes du poème, vers par vers, et encore moins d’apporter une éval­u­a­tion cri­tique des idées for­mulées. L’analyse pro­posée ici est beau­coup plus mod­este, elle se lim­ite à l’étude de quelques aspects car­ac­téris­tiques du tra­vail d’écriture de l’auteur pour faire sen­tir, on l’espère en tout cas, le sens de la poésie qui l’anime. En effet, on a entre­pris de réfléchir sur ce poème pour expli­quer en quoi con­siste l’art poé­tique de Jean Sénac. Or, on le sait, abor­der ce genre d’écrit, c’est pos­er en aval la ques­tion de l’originalité. Bien sûr, s’engager dans une réflex­ion sur l’art poé­tique, c’est devoir apporter des répons­es à des ques­tions que l’on pose habituelle­ment à pro­pos du texte-man­i­feste comme chercher à savoir en quoi l’auteur est nova­teur ou quel trait accorde à sa théorie son sceau de nou­veauté. Autant le dire tout de suite, la forme de ce poème auquel il donne l’allure d’une théorie n’a rien d’originale: Disque est com­posé de quar­ante octo­syl­labes répar­tis en cinq stro­phes de 8–7‑8–9‑8 vers à deux rimes ab croisée avec une petite entorse au niveau des vers 26 à 29 lesquels sont con­stru­its sur un sché­ma de rimes embrassées abba. De fait, Disque se place sous l’égide d’une struc­ture formelle qui ne met pas en valeur sa voca­tion. En ver­tu de quoi on ne s’interdira pas de faire com­para­itre des exem­ples du recueil dans lesquels la vision séna­ci­enne s’illustre de la manière la plus évidente.

Pour don­ner à cette réflex­ion la clarté souhaitable, on repren­dra les points mis en avant dans l’ordre de leur suc­ces­sion en respec­tant la démarche du poète qui fait suiv­re à chaque fois l’élément ban­ni de l’argument qui lui sert de justification.

Voici donc ce qu’il décrète :

1.Non à l’artificialité de la rime 

Dès le pre­mier vers, Jean Sénac se plaint du sort fait à la poésie en adop­tant une posi­tion de refus des règles canon­iques de la ver­si­fi­ca­tion clas­sique à com­mencer par le rejet de l’isorimie. Jugée trop con­traig­nante et déplorée comme telle, la rime qu’on place habituelle­ment sous les pro­jecteurs ne trou­ve pas grâce aux yeux du poète. C’est la quête de l’euphonie, que l’on peut devin­er der­rière ses pro­pos, qu’il vise à bousculer :

                                                       Le jeu des mots tourne la tête
                                                       j’écris pour ignor­er le son

Ce pas­sage assez explicite per­met sans effort de lec­ture de com­pren­dre com­bi­en Jean Sénac est farouche à toute recherche élaborée des ter­mi­naisons des vers. Ce n’est pas que la rime en elle-même lui soit rebu­tante, mais les accom­mo­da­tions à faire ne sont nulle­ment à son goût. Con­va­in­cu de l’inutilité de la nature chan­tante de la poésie, il détrône la rime pour don­ner plus d’autorité à la spon­tanéité. Il parait clair, der­rière ce refus s’agite l’ombre d’un révolté qui déplore le principe de devoir écrire selon des codes imposés. On trou­verait même juste qu’il le dise en ces ter­mes : être un bon rimeur est sans doute la mar­que d’une grande vivac­ité d’esprit mais c’est aus­si un signe de résig­na­tion  intel­lectuelle que de s’obliger à tra­quer le son selon la loi de l’équivalence. De toute évi­dence, l’isosyllabisme n’a pas bonne presse chez le poète. Ce con­stat débouche sur une hypothèse sim­ple : la pri­mauté don­née à la rime savante ne sied pas à Jean Sénac tant elle déclare toute autre forme de com­po­si­tion, qui dérogerait à la rigoureuse règle de l’homophonie, défectueuse. On dira dans cet ordre d’idée que l’unité sonore a tout à fait sa place dans la poésie séna­ci­enne lorsqu’elle émerge par pur hasard. A ce pro­pos, il est impor­tant de dire que le poète ne sub­ver­tit pas pour le plaisir de se rebeller. D’ailleurs, il ne ban­nit pas caté­gorique­ment de ses vers les com­bi­naisons rim­iques habituelles. Disque en témoigne puisqu’il ne respecte pas les pré­ceptes qu’il annonce. Qu’est-ce à dire ? que l’isorimie est loin d’être un prob­lème en soi? En effet car comme on le sait, chez Jean Sénac, le lit­téraire et la vie réelle font bon ménage. C’est bien donc cette prox­im­ité qui exige de lui une poésie allant de pair avec ses préoc­cu­pa­tions. A con­sid­ér­er que sa muse s’abreuve de son expéri­ence de vie, il est aisé de voir der­rière cette volon­té de jeter aux orties les sché­mas rim­iques la mis­sion qu’il con­fie à son art. En fait, s’il refuse de se con­ver­tir à une opin­ion aus­si sélec­tive, c’est parce qu’il met sa poésie au ser­vice d’une cause qu’il espère faire advenir par le truche­ment de la lit­téra­ture. En témoignent ces lignes à  la tour­nure du souhait:

                                                      de toutes les phras­es bien faites
                                                     qui n’ont pas la couleur du sang

Il est vrai qu’on peut capit­uler devant l’hermétisme de ce dis­cours, mais con­nais­sant les préoc­cu­pa­tions de Jean Sénac, on peut com­pren­dre de quelle source ces vers s’écoulent.  En effet, de cet obscur dis­tique à con­no­ta­tion néga­tive émerge le vis­age d’un homme paci­fique qui sem­ble, en ver­tu du ton accusa­teur sug­géré par le pro­pos, appel­er à mesur­er ce que les écrits met­tent en jeu. Bien sûr, la poésie, comme n’importe quel autre écrit lit­téraire, n’est pas inno­cente ; elle peut être au ser­vice d’une bonne cause comme elle peut être un appel à la vio­lence. Jean Sénac, lui, se situe dans la per­spec­tive de lut­ter con­tre tout ce qui peut amen­er à désunir le « nous » col­lec­tif. Son écri­t­ure qui n’a point d’accent vio­lent révèle un homme assoif­fé de paix. Celui qui s’exprime ain­si a sans doute lui-même souf­fert d’une sit­u­a­tion hos­tile à toute pos­si­bil­ité de s’accorder pour en con­clure que seule la fra­ter­nité empêchera l’écoulement du sang :

                                                  Quelle délivrance rachète
                                                 le poids de mort dont nous vivons
                                                Quelle joie cou­vre la défaite
                                                 pour s’épanouir à l’unisson

D’ailleurs, les enjambe­ments traduisent l’ampleur de la douleur qu’il ressent à tel point qu’elle le fait pli­er. Les syl­labes longues (ici syl­labes fer­mées et nasales) de ces vers si tristes imi­tent aus­si par­faite­ment l’agonie pro­longée d’un être dému­ni face à l’effroi du dés­espoir.  Mais, Jean Sénac en bon écrivain attribue à sa poésie le pou­voir de bris­er le malaise en le fra­cas­sant à coup d’occlusives placées aux ini­tiales des vers. La forme inter­rog­a­tive ici employée aurait égale­ment pour but de sec­ouer les con­sciences plongées dans l’inertie afin de les pouss­er à réa­gir con­tre ce qui men­ace le vivre-ensem­ble. Dans le cou­plet ci-après, le poète laisse imprimer l’obsession d’une mort qui ne laisse pas ses lecteurs indif­férents. Qui peut en effet lire ces vers sans penser qu’il fait écho à sa pro­pre expéri­ence de vie :

                                                   la vie n’est plus mon­naie honnête
                                                  qu’entre les mains des innocents
                                                 pour  cette nuit la gorge est prête

Et com­ment ne pas penser à lui alors que le poète mal­heureux sem­ble avoir  pressen­ti sa mort.   Cette vision antic­i­patrice est bien la preuve que le poète avait con­science qu’il était cloué au pilori à cause de son iden­tité dérangeante: Pied-noir, homo­sex­uel, il se savait épié puisqu’il mour­ra lâche­ment assas­s­iné la nuit du 30 août 1973. Ce sen­ti­ment pré­moni­toire qui ne l’a sans doute jamais quit­té crée l’impression qu’il y a autre chose à lire der­rière le refus de l’homophonie. On peut com­pren­dre dans l’optique de cette sit­u­a­tion que l’organisation rim­ique rap­pelle par analo­gie un autre prob­lème beau­coup plus sérieux : celui de l’épuration iden­ti­taire. S’il plaide con­tre l’unité rim­ique, c’est sans doute pour rap­pel­er le cli­mat d’intolérance que cul­tive le con­formisme. Voilà ce qu’on voit énon­cé ici: tout ce qui n’est pas con­forme au patron dom­i­nant n’est bon qu’à être sac­ri­fié sur l’autel des défenseurs du mod­èle unique. Ain­si, en met­tant à plat la règle de l’harmonie sonore, le poète espère faire enten­dre sa voix qui s’élève con­tre le crime de l’inconscience. En tout cas, le choix d’aborder la rime sous le signe de la diver­sité doit être perçu comme un besoin de rétablir une sorte d’égalité entre tous les mem­bres de la grande famille humaine. Ce n’est donc pas dans le rejet des critères poé­tiques tra­di­tion­nels que réside son intérêt, mais bien dans la volon­té de chang­er les règles d’une vie cru­elle qui met hors-jeu tout ce qui n’est pas nor­matif. Pénétré de cette pen­sée, il assou­vit son rêve par le truche­ment de l’écriture. Voici deux exem­ples, choi­sis au hasard, qui illus­trent par­faite­ment bien la prédilec­tion que l’auteur mon­tre pour la plu­ral­ité. Le pre­mier est inti­t­ulé Panoplies de la Rose (p.199):

                                                           

             Toute rose est cruelle

                                                    Ö
                                                   Blessures des haies,
                                                   Vents, sable, toute rose !   (16 mai 1967)

 

le sec­ond est un frag­ment de Comme dans une eau vive (p.62) :

 

                                                    Un lézard ami
                                                    une eau qui réponde
                                                                     le sol qui s’entrouvre
                                                   pour mieux te nommer.

 

2. Non à l’uniformité de la mesure 

                                         

                                          ces vers au rythme doux m’embêtent
                                          je préfér­erais vivre sans

Ces vers, à leur tour, annon­cent une infrac­tion sur un autre plan, celui de la métrique. La rai­son pour laque­lle on con­fond ici rythme et mètre tient au fait que la métrique est aus­si un procédé de ryth­mi­sa­tion. Qu’est-ce que le mètre  sinon que la répéti­tion d’un même rythme. Ain­si, out­re le rejet de l’isorimie, le poète pointe du doigt l’isométrie à laque­lle il refuse de s’astreindre. Ecrire sur un rythme unique des vers bien tail­lés lui parait, d’un point de vue stricte­ment musi­cal, tout à fait ennuyeux. C’est pourquoi, au vers nom­bré, il ne donne pas sa béné­dic­tion et s’abstient d’observer cette règle avouant sa méfi­ance  quant à l’effet de monot­o­nie qu’elle engen­dre. En fait en la nég­ligeant, il réag­it con­tre ceux qui jugent les lignes iden­tiques comme une vir­tu­osité ver­bale. A ceux-là qui mesurent la créa­tion poé­tique en fonc­tion du nom­bre de syl­labes par vers et non par rap­port à la poten­tial­ité de son pro­pre rythme, Jean Sénac apporte la con­tre-preuve en cul­ti­vant des poèmes hétérométriques. La rigoureuse loi du comp­tage métrique se voit ain­si con­gédiée au prof­it d’un idéal esthé­tique d’une plus grande sou­p­lesse. On l’aura com­pris, aucune règle de suc­ces­sion n’est fixée par le poète et le rythme de ses vers, qu’il sculpte à sa façon, varie libre­ment au fil d’une pièce jusqu’à même ne plus recon­naitre le statut métrique du poème. Etant d’aspect fluc­tu­ant, le poème séna­cien ne peut donc être inscrit dans aucune typolo­gie formelle et toute ten­ta­tive de déf­i­ni­tion par la forme est vaine. Ce genre de con­fig­u­ra­tion qui mêle indif­férem­ment des vers de petites et de grandes enver­gures nour­rit un seul but pos­si­ble: couper le sif­flet à la norme théorique en optant pour une poésie ouverte, capa­ble d’accueillir toute sorte de mesure sans préférence aucune pour telle ou telle autre. Métrique­ment, ces poèmes de longueur irrégulière regroupent, ten­drement et paci­fique­ment, dans un même espace des vers de 2, 5, 8, 12, 18 syl­labes sans pour autant provo­quer un heurt ryth­mique. Au con­traire, le dynamisme des lignes fait que ses poèmes gag­nent en flu­id­ité. C’est peut-être dif­fi­cile à croire, mais pour une oreille famil­ière de la poésie séna­ci­enne, cette var­iété métrique émet une musi­cal­ité beau­coup mieux ryth­mée que celle que pro­cure une poésie « monodique ». Aus­si exagéré que cela puisse paraitre, cette lib­erté de mesure assure à l’ensemble du poème séna­cien un air de légèreté absol­u­ment sur­prenante. En effet, la cadence entre le rythme long et le court pro­duit une mélodie qui ne manque pas d’attrait pour séduire l’auditeur qui ne se refuse pas à d’autres goûts musi­caux. Mais le plus impor­tant c’est que ce besoin d’abandonner la mesure rigide éveille l’attention sur l’idée que ce choix impose. Encore une fois, il faut se résoudre à penser que si le poète s’insurge con­tre ce genre de con­formisme c’est unique­ment parce que les défenseurs de cette logique con­damnent l’art à une forme très restreinte. Ain­si qu’il a été dit, leur esthé­tique est axée sur la sélec­tion et ne favorise que cer­taines caté­gories  au détri­ment d’une diver­sité de moyens d’expression. En tant que poète, Jean Sénac ne manque aucune occa­sion de rap­pel­er qu’il trou­ve ce sys­tème de pen­sée « dis­crim­i­na­toire », l’accusant de met­tre de côté des procédés qui ne sont pas con­sid­érées comme por­teurs de droit. Une accu­sa­tion jus­ti­fiée, puisque tout qui ne s’aligne pas sur le mod­èle dom­i­nant est acca­blé de préjugés défa­vor­ables. Or à la rai­son poé­tique il faut en ajouter une autre. Ce vers :

 

                                                  je suis homme et je suis poète

 

prou­vent que les enjeux de sa réflex­ion dépassent le cadre de la poésie. Cette étroite intri­ca­tion ramène le lecteur à l’idée d’un rap­port entre la let­tre et le réel. Autrement dit, par le procès qu’il intente aux modes de représen­ta­tions con­ven­tion­nelles, le poète vise à met­tre sous les pro­jecteurs les effets de la hiérar­chi­sa­tion appliquée à la société humaine. La logique de l’uniformité, qui dérobe l’essence à la vue, est une pra­tique atten­ta­toire à la dig­nité et à la sureté des per­son­nes. N’est-ce pas que sous le joug de la clas­si­fi­ca­tion iden­ti­taire souf­fre  le respect de la légal­ité et de la lib­erté humaine. Voilà ce qu’il dit sur le mode du clin d’œil. Le mot « fête » a, dans ces con­di­tions, une valeur extrême­ment nette : il éclaire en par­tie l’intention du poète. Il cor­re­spondrait à son vœu de rassem­bler autour d’un mélange qui prend l’aspect d’une véri­ta­ble céré­monie de procédés en fusion. Ain­si com­pris, la poésie de Jean Sénac, par les moyens qu’elle mobilise, par l’allure d’arc-en-ciel qu’elle man­i­feste, par­le de la voca­tion de l’auteur de résoudre un vœu d’unité. Une unité qui ne peut être obtenue qu’en sub­sti­tu­ant au monde des lois absur­des un autre monde où règne une ambiance de bonne entente :

 

                                                    j’écris pour inven­ter la fête
                                                  qui nous sauvera de l’affront

 

Quant au mot affront ici employé, il est vrai qu’il prête à dis­cus­sion. Comme on ne sait pas dans quelles cir­con­stances la pièce fut com­posée, on se demande dans quel sens il faut le com­pren­dre. Cepen­dant, en s’astreignant à pren­dre l’identité de l’auteur pour ce qu’elle est, c’est-à-dire un pied-noir, on peut dire que c’est son statut peu con­cil­i­able avec les valeurs algéri­ennes qui lui a valu le préju­dice subi. Le « nous », qui rend compte d’un drame col­lec­tif et qui peut être rap­porté à la sit­u­a­tion des Européens d’Algérie, plaide pour cette inter­pré­ta­tion. Le pronom pour­rait aus­si désign­er tous ceux qui, comme lui, se sen­tent exclus à cause de leur ori­en­ta­tion sex­uelle. Même s’il ne le dit jamais claire­ment dans ses écrits, tout con­nais­seur de Jean Sénac sait que la plus douloureuse dis­crim­i­na­tion qu’il a eu à vivre c’est d’avoir été privé de son iden­tité algéri­enne et cela mal­gré la force de l’amour qu’il voue à sa terre natale. C’est cette humil­i­a­tion, qui lui mon­tre ce que vaut l’existence d’un homme que l’on arrache à lui-même, qui le pousse d’ailleurs à con­sign­er à l’encre les traces de sa pas­sion en se définis­sant lui-même poète algérien (voir p.241 ou p.258). Une vibrante déc­la­ra­tion d’amour a valeur de pièce à con­vic­tion, aurait-on envie de dire, con­tre tous ceux qui veu­lent tailler un linceul à son Algéri­an­ité. Certes, l’allusion est légère et rien n’autorise à faire un lien avec la vie de l’auteur, mais comme sem­ble vouloir le sig­ni­fi­er les vers écrits plus bas, il pour­rait s’agir de cela. Dans les deux cas, l’expression de son art émane de sa con­science aigue de la dis­crim­i­na­tion iden­ti­taire à laque­lle il apporte une réponse en ter­mes de forme. Ain­si, cette mar­que­terie qui mêle aux cou­plets hétérométriques des vers en isométrie appa­rait pleine de bon sens : elle se poserait en sym­bole de la cohé­sion par le respect de l’altérité. On peut voir dans ce traite­ment une allu­sion au métis­sage des iden­tités.  On peut dire qu’à son avis, il n’y a aucune rai­son de tomber dans le piège de la symétrie appar­ente qui impose, à son plus grand regret, son autorité magis­trale. Un esprit de cet ordre est grand. L’on ne s’étonnera donc pas de l’entendre dire qu’il est urgent d’ouvrir à l’altérité si on veut qu’à la place du sang sor­tent des oliviers. Bien que ce con­stat ne suff­ise pas à cern­er toute la com­plex­ité de son écri­t­ure, on se ris­quera à avancer que cette vision mar­que de son empreinte toute son œuvre. En tout cas, son recueil offre un nom­bre assez con­sid­érable d’exemples où le vers libre se sig­nale comme règle de base. Cet extrait de Désor­dre (p.103) :

 

                                                                       Je me tu à vous aimer
                                                     fantômes
                                                   plus près de ma chair que mon pro­pre sang
                                                  mais quelle amer­tume demeure
                                                  quelle légende
                                                 qui m’épuise soudain et me voici vous reniant 

 

ou cet autre pris du poème Citoyens de laideur (p.204), écrits à dif­férentes péri­odes de sa vie ( 1954
pour le pre­mier et 1972 pour le sec­ond), prou­vent que son esthé­tique est restée la même:

 

                                                    Mau­dit trahi traqué
                                                     Je suis l’ordure de ce peuple
                                                    Le pédé l’étranger le pau­vre le 
                                                    Fer­ment de dis­corde et de subversion
                                                    chas­sé de tout lieu toute page
                                                    Où se trou­ve votre belle nation
                                                   Je suis sur vos langues l’écharde
                                                   Et la tumeur à vos talons. 

 

3. Non à l’autorité de la pen­sée rationnelle

On a avancé au com­mence­ment de cette étude que Jean Sénac man­i­feste une affinité lit­téraire avec les sur­réal­istes. On sait que chez les auteurs appar­en­tés à cette ten­dance, la lumière est portée sur l’envers du décor. Jean Sénac, comme Louis Aragon et Mohamed Dib (dans cer­tains de ses romans tels que Habel) trans­gresse les règles con­ven­tion­nelles de la représen­ta­tion réal­iste en libérant sa vision du despo­tisme de la rai­son à laque­lle il retire sa con­fi­ance. Sa décep­tion vis- à‑vis d’une réal­ité amère fait dire à sa phrase de quelle his­toire elle est le pro­duit. Celle-ci s’exécute en met­tant à jour sa pro­pre struc­ture sig­ni­fica­tive. Conçue pour faire grief à la logique, la phrase séna­ci­enne se laisse façon­ner par une asso­ci­a­tion libre des mots qui per­met d’éviter de ressass­er les inten­tions préétablies. On le voit bien, Jean Sénac asso­cie de manière tout à fait aléa­toire des mots comme Un ven­dre­di qui se tai­sait (p.29) ou comme La dure vie le gai refrain (p.31) Comme pour les lester de leur sig­ni­fi­ca­tion pre­mière, le poète for­mule des chaines de sig­nifi­ants dont le sens est apparem­ment à chercher au niveau par­a­dig­ma­tique. On dirait qu’avec Jean Sénac tout ne se réduit pas aux lois intel­lectuelles du lan­gage ; le lecteur est som­mé de regarder au-delà des lim­ites de la gram­maire et de saisir au vol les allu­sions d’un dis­cours sous­trait à son rôle habituel d’énoncé com­mu­ni­catif. Pour saisir l’insaisissable, celui-ci doit s’armer de sa clair­voy­ance instinc­tive pour transpercer  l’épais nuage qui dérobe le sous-enten­du à ses yeux. L’idée, c’est de l’amener à aban­don­ner sa lec­ture, celle forgée dans la tra­di­tion, et à se laiss­er sub­merg­er par l’univers sen­soriel d’une poésie for­mulée au fil de la plume. Bref, Jean Sénac exhorte à explor­er les pro­fondeurs  parce que c’est le seul moyen de faire éclore l’inexprimable qui se love dans ses vers. Lorsqu’il dit :

 

                                                     les mots les plus vrais sont si bêtes
                                                    qu’on les écoute en souriant

 

il avoue suc­comber au goût des voca­bles sim­ples qui sur­gis­sent sans prémédi­ta­tion. Séduit par le pou­voir du hasard, il ne retient pas son émer­veille­ment face au bon­heur que pro­curent des mots dis­parates coor­don­nés en énon­cé. Et com­ment ne pas l’être alors que c’est dans le geste d’une main servile que jail­lit la vérité. C’est en ces ter­mes, sem­ble-t-il, que l’on peut inter­préter ses pro­pos. Par ailleurs, comme cha­cun le sait, cette esthé­tique, qui s’apparente à l’écriture automa­tique, a des affinités avec la libido. Et comme Jean Sénac vise le vrai, il dit ce qu’il doit dire sur lui-même en appelant les choses par leur nom (lire à titre d’exemple son roman auto­bi­ographique Ebauche du père, pour en finir avec l’enfance). Le choix de Jean Sénac dit l’envie de don­ner une image en totale adéqua­tion avec l’être retranché à l’intérieur de lui-même. Iden­ti­fi­er le moi à sa nature pro­fonde est donc la règle à laque­lle le poète porte une grande révérence :

 

                                                   j’aime la chair et j’ai un nom

 

Cepen­dant, sa déc­la­ra­tion à l’allure d’un aveu va très vite être placée sous les aus­pices d’une tonal­ité  en quelque sorte pessimiste :

                                                     (…)

                                                    ce démon secret qui m’inquiète

 

Et même si on ne com­prend pas tou­jours claire­ment de quoi il par­le, on devine ce que le poète exprime sur le mode de la con­nivence. Même s’il ne lève pas com­plète­ment le voile sur son pen­chant sex­uel, ce qui est cen­suré ne peut être rat­taché qu’au mau­vais aspect du Désir : celui d’une pra­tique « anathémisée » qu’il s’abstient ici de met­tre en mot. On con­vien­dra que le voca­ble démon indique une direc­tion de lec­ture. Le con­nais­sant, on ne peut pas s’empêcher de penser à sa nature homo­sex­uelle. D’autant plus, le terme en lequel s’énonce le biologique insin­ue le mal-être. Sa puis­sance sug­ges­tive per­met d’attirer l’attention sur la force de la pul­sion qui s’échafaude inopiné­ment vers un ordre où elle n’a aucune légitim­ité de droit. D’ailleurs, le sur­gisse­ment inat­ten­du est sig­nifié par l’emploi de la den­tale /d/ dont le point d’articulation du phonème cor­ro­bore cette idée selon laque­lle l’enfoui émerge sans préavis. Com­ment doit-on com­pren­dre cette descrip­tion ? Est-ce une cul­pa­bil­ité incon­sciente ? Une aut­o­cri­tique ? Un dédouane­ment de soi ? Des ques­tions que l’on se pose sans cesse aux­quelles il est impos­si­ble de répon­dre. En tout cas, le sen­ti­ment de gêne qui accom­pa­gne son pro­pos est adouci par l’aveu d’impuissance qu’il for­mule face à une force qui le dépasse. C’est pourquoi, bien que les mœurs de son temps le met­tent sur le qui-vive, bien que sa chance d’être accep­té comme tel dans le pays qu’il a choisit comme sien avoi­sine la nul­lité, il s’obstine, au nom du principe de la fidél­ité  à soi et à l’autre, à exprimer son iden­tité sex­uelle son détour en la consignant dans ses écrits:

 

                                                         et vous voyez j’écris pourtant
                                                         ma vie ne sera pas discrète
                                                         j’ai trop d’amour et d’ambition

 

Et quand il écrit :

                                                   Il fau­dra bien que je m’apprête
                                                   à témoign­er de la passion
                                                  des hommes francs et fiers qui mettent
                                                 l’eau de l’espoir entre leurs dents 
                                                il fau­dra écrire cette joie dont il dit à ses amants
                                               qu’elle soit limpi­de et parfaite
                                                j’y ajusterai ma chanson.

 

on com­prend qu’il ne cherche pas à sig­ni­fi­er. Com­ment en effet lire des vers qui ne se livrent pas ? Pour­tant, même si on ne peut pas pré­ten­dre saisir tout le sens que cou­vrent ces vers, on ne peut pas non plus ignor­er ce quelque chose qui reste à portée d’entendement. C’est à dire, de ce cou­plet, qui en repoussera plus d’un, on retient sa dou­ble per­spec­tive. En ter­mes plus clairs, on dira que for­mulé comme tel, ce frag­ment rap­proche de manière assez inat­ten­due deux points de vue tout à fait dif­férents, mais qui vont dans la même direc­tion : ces lignes investies d’un lan­gage  inin­tel­li­gi­ble accom­plis­sent une fonc­tion mimé­tique en se faisant métaphore du spec­ta­cle déplorable de la vie humaine. En même temps, soutenues par cer­taines idées claire­ment énon­cées, telles que la trans­parence, la fran­chise, le devoir de vérité, ces mêmes lignes sont aus­si une poignante exhor­ta­tion à la com­mu­nion frater­nelle. Une fra­ter­nité qui doit être réal­isée dans l’amour mutuel qui ne se paie pas de mot mais d’attitudes vraies. 

Il reste à tir­er au clair le titre que l’on retrou­ve réitéré à la tren­tième ligne du poème:

 

                                                mon disque tourne avec le temps

 

Ce vers, qui est une ampli­fi­ca­tion de l’intitulé de la pièce, sug­gère claire­ment la visée du poète. Géométrique­ment, Disque est un terme qu’on utilise pour désign­er la fig­ure du cer­cle. Au tracé hor­i­zon­tal du rond, lequel n’a ni début ni fin, ni hau­teur ni pro­fondeur, peut-être asso­cié une fonc­tion sym­bol­ique : l’absence de hiérar­chie. Dans la pen­sée prim­i­tive, le cer­cle est d’ailleurs le sym­bole de l’égalité. Il est vrai que dans une organ­i­sa­tion en cer­cle cha­cun a sa place et per­son­ne ne peut s’enorgueillir d’avoir le meilleur emplacement.

Musi­cale­ment, Disque est un sup­port tech­nique de dif­fu­sion qui per­met à l’auditeur de réé­couter les traces sonores enreg­istrées autant de fois qu’il le souhaite. On croirait volon­tiers que le titre est né du souhait du poète de con­fér­er à sa poésie un car­ac­tère répétable. Qu’elle soit réé­coutée en boucle comme une chan­son, tel sem­ble être son vœu. Mais pourquoi voudrait-il que sa parole soit sans cesse recon­duite ? La réponse est sim­ple : parce que sa voca­tion poé­tique est cor­réla­tive de l’espoir qu’il nour­rit d’amener le lecteur à pren­dre le con­tre pied de ce qui  détru­it l’unité, de le pouss­er à méditer sur la ques­tion de l’ouverture  mise ici en ques­tion. En effet, la poésie séna­ci­enne, bien qu’elle n’échappe pas à l’esprit de son temps, elle ne se pétri­fie pas pour autant dans sa langue d’origine et con­tin­ue, grâce à l’envergure de sa prob­lé­ma­tique, sa marche en avant. Voilà sans doute pourquoi il veut que sa parole soit ressas­sée autant de fois que néces­saire et au fil des générations.

 

Con­clu­sion :

Enfin, selon la déf­i­ni­tion courante de la notion d’« art poé­tique », le texte qui en est le man­i­feste sug­gère de nou­veaux procédés d’écriture qui définis­sent le posi­tion­nement de l’auteur dans le champ lit­téraire. On sait que Jean Sénac n’est pas le pre­mier à revendi­quer une esthé­tique de ce type, on sait qu’il ne pro­pose pas une for­mule neuve, mais il n’est en rien redev­able à quiconque et sa poésie n’est pas une for­mule tau­tologique. On ne peut pas lire, à titre d’exemple, René Char ou Louis Aragon comme on lirait Jean Sénac car cha­cun « tire de lui-même et de lui seul son inspi­ra­tion. » C’est à dire, bien qu’il ne soit pas un acteur de pre­mier plan de l’abolition des procédés con­ven­tion­nels, on ne peut pas non plus le reléguer au rang d’un sim­ple « suiveur ». On pense qu’il est nova­teur par l’importance accordée à la notion de diver­sité. Sa verve d’écriture a don­né une œuvre intem­porelle et uni­verselle qui fait une très large part à la ques­tion du vivre-ensem­ble. Penser l’unité dans l’horizon de la diver­sité, c’est peut-être cela qui pare son écrit de l’attrait de l’originalité. Or, même si Disque est un texte métapoé­tique, il ne porte en soi aucune indi­ca­tion didac­tique car il y va de la survie de la poésie. Ain­si, le pro­pos de Jean Sénac n’est pas celui d’un théoricien mais celui d’un homme atteint qui  inscrit son art dans l’ambition de remédi­er, tant soit peu, à une sit­u­a­tion qui peine à s’accomplir dans le réel.

 

Indi­ca­tions Bib­li­ographiques :

Jean Sénac, Pour une terre possible…Poèmes et autres textes inédits (1999), Paris : Ed. Marsa.

Mazo, Bernard (2009) « Jean Sénac, le réfrac­taire », in Algérie Littérature/Action, n.133–136, sept-déc, pp.75–79.

Nac­er-Khod­ja, Hamid (1998) « Jean Sénac : Ero­tique, poé­tique, poli­tique », in Algérie Littérature/Action, n.17, jan­vi­er, pp.15–33.

Val­fort, Blan­dine (2011) « Jean Sénac, L’Algérie au corps», en ligne : http://www.laviedesidees.fr/IMG/pdf/201301717_senac‑3.pdf

Ain­si que le récent : Bernard Mazo, Jean Sénac, poète et mar­tyr, Seuil, 2014.

Résumé : « Disque » de Jean Sénac, que l’on se pro­pose d’étudier est imprimé en pages 183/184 du recueil Pour une terre pos­si­ble… Dis­simulé par­mi tant d’autres pièces poé­tiques et de textes d’hommage, le poème n’a jamais fait l’objet de l’attention des com­men­ta­teurs. Qu’il n’ait pas été mis à prof­it sem­ble tout à fait sur­prenant compte tenu des indi­ca­tions pré­cieuses qu’il offre  sur l’esthétique à laque­lle le poète souscrit. A l’instar de son titre, cet arti­cle est con­sacré à livr­er quelques indices sur la prosodie séna­ci­enne et à don­ner, avec toute les pré­cau­tions néces­saires, quelques pistes d’interprétation qui con­tribueront à mieux saisir l’ambition et la portée de la voca­tion poé­tique du poète. On laisse donc quelques pans du texte dans l’attente d’une élu­ci­da­tion que d’autres fer­ont pass­er de l’ombre à la lumière. 
Mots-clés : Disque- Art poé­tique- Jean Sénac-Anticonformisme-Diversité. 

Abstract : The poem « Disque » extract­ed from the col­lec­tion Pour une terre possible…has nev­er attract­ed com­men­ta­tors atten­tion although it con­tains impor­tant infor­ma­tions on writ­ing  of Jean Sénac. This pape is devot­ed to give few inter­pré­ta­tions in order to bet­ter know the artis­tic project of this poet. Because the texte is not easy to read some vers­es will stay in pend­ing of an explication.
Key words : Disque- Poet­ic art- Jean Sénac- Unconventionnality-Diversity.
 

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