Depuis le début du nou­veau mil­lé­naire, l’idée qu’il faut « réen­chanter le monde » s’impose peu à peu. À l’évidence, une cer­taine poésie y con­tribue. Les écrits dans l’arbre de Patrick Chemin sont la quin­tes­sence de cette poésie-là. S’il est bien un auteur à qui la phrase d’Hubert Juin « À défaut d’écrire avec son sang, écrire avec la sève d’un arbre peut-être », peut s’appliquer, c’est Patrick Chemin. Cha­cun de ses cinquante-deux textes se savoure lente­ment, chaque poème coule en soi comme une gorgée de pleine sève ou de miel cro­qué en rayons. Ce sont là des images qui revi­en­nent sou­vent sous sa plume : «  Je suis ton écri­t­ure et ta frondai­son. Je suis la sève de tes mots », « Si l’abeille est généreuse dans la nuit des ruch­es, c’est qu’elle ignore la sen­tence extrême du miel » 

Peu de thèmes sont abor­dés dans ce recueil, mais ils sont essen­tiels : les sources, les arbres, la sève, le ciel, les étoiles, l’amour, l’écriture et aus­si peu de mots sont util­isés pour les abor­der, d’une très grande sim­plic­ité.  C’est de cette économie et de cette con­cen­tra­tion que nait la puis­sance poé­tique de chaque texte et de l’ensemble du recueil. 

La forêt et les arbres étant les thèmes prin­ci­paux du recueil, on y croise for­cé­ment dans quelques chemins de tra­verse des elfes et des fées que d’ailleurs Patrick Chemin nous annonce : « Je retourne aux pays des fées, je vais dormir dans la forêt du milieu avec le petit peu­ple des légen­des ». Il dit aus­si «  Il faut du temps pour faire le monde. Pour don­ner aux arbres le sen­ti­ment de la forêt. Je veux un bais­er. Dis­ait la sève. Dis­ait la résine. Et dans les branch­es proches les oiseaux chan­taient devant l’avancée de l’amour »             

La poésie de Patrick Chemin est une poésie de con­tem­pla­tion et de médi­ta­tion, son écri­t­ure est celle de l’humilité et du dépouille­ment et cet assem­blage donne au recueil une dimen­sion qu’il faut bien qual­i­fi­er de spir­ituelle en même temps qu’elle est sen­suelle. On imag­ine Patrick Chemin être un bûcheron des mots, abat­tant des arbres à let­tres, puis en faisant  séch­er les branch­es et les troncs pour ensuite, dans un silence monacal, assem­bler en patience des morceaux de bois d’essence dif­férente pour fab­ri­quer un bijou odor­ant. Bûcheron des mots qui ferait de la mar­que­terie sophis­tiquée, dont, para­doxe suprême, chaque objet sent encore la résine et dont la sève colle aux doigts, Patrick chemin démon­tre, dans chaque texte, que la sophis­ti­ca­tion suprême est la simplicité. 

«  Je cherche un seul mot. C’est pourquoi j’en écris mille. La lumière végé­tale et lente des arbres abrite un vit­rail de résines. C’est pourquoi j’écris à la lisière du mot par­fait qui est le silence. »

Patrick Chemin, revenant de forêts pro­fondes, fait un retour aux sources de l’essentiel. Faisant halte dans la clair­ière de l’être, il cherche la parole originelle. 

Les forêts de la poésie ont trou­vé un Mer­lin et l’on peut dire désor­mais « Chemin l’enchanteur ».

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